Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 6 juin dernier, je prenais la parole à cette même tribune pour apporter mon soutien à la proposition de loi du président Milon autorisant les analyses génétiques sur personnes décédées.
Cette proposition de loi a un point commun avec celle que nous examinons aujourd'hui : elles portent toutes les deux l'ambition d'une politique de santé plus efficiente en termes de prise en charge précoce et d'accès à l'innovation.
Je ne peux que me réjouir, cette fois-ci, du soutien du Gouvernement. Dans son discours devant le Conseil stratégique des industries de santé, le 10 juillet, le Premier ministre a en effet présenté des mesures relatives aux essais cliniques, notamment la réduction du délai de réponse des CPP à moins de 60 jours.
Un tel engagement est à saluer. En effet, l'innovation en santé est une chance, une opportunité majeure pour les patients atteints de maladies chroniques et graves, notamment dans le domaine de l'oncologie, mais comme cela a été rappelé, c'est aussi un atout pour la vitalité économique et le rayonnement de notre pays.
Car il y a effectivement, en France, une économie de la recherche qui se porte bien, mais qui peine à conserver sa place parmi les leaders mondiaux. Face aux concurrents émergents, les trois pays les plus attractifs d'Europe – la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France – doivent être en capacité d'adapter leurs procédures au nouveau contexte international.
Dans notre pays, l'innovation s'appuie depuis de très nombreuses années sur une exigence éthique, qui doit absolument être préservée. Certains ont pu émettre des craintes quant à d'éventuelles conséquences de cette proposition de loi. Pour ma part, j'ai la conviction que l'équilibre entre exigence éthique et adaptabilité du système permettra de garantir son efficience.
J'ai surtout la conviction qu'il faut agir. Avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous avons rédigé un rapport sur l'accès précoce aux médicaments innovants, dans lequel nous rappelions que l'accélération des innovations pose de nouvelles problématiques en matière de rapidité et d'équité d'accès à ces traitements. Pour certains patients, il peut tout simplement s'agir d'une question de vie ou de mort.
Bien conscients du caractère prioritaire de l'expertise en matière d'essais cliniques, nous avions formulé, dans ce rapport, dix-huit propositions, dont celle de conforter les essais cliniques comme voie d'accès précoce aux traitements innovants, en renforçant notamment les CPP et leur expertise. Nous avons donc proposé d'adapter le système de tirage au sort, en prévoyant que celui-ci s'applique à un groupe restreint de CPP spécialisés, en fonction du domaine concerné par l'essai clinique.
Depuis 2016, l'attribution des projets de recherche aux différents CPP s'effectue par tirage au sort simple. Nous sommes tous d'accord pour considérer ce tirage au sort comme nécessaire face aux conflits d'intérêts.
Cependant, il nous faut également en mesurer les limites, notamment l'allongement des délais d'évaluation. Désignés de manière aléatoire pour l'examen d'un projet de recherche sur lequel ils n'ont pas les compétences en interne, certains CPP font appel à des avis extérieurs, ce qui allonge naturellement le délai d'évaluation. La composition des trente-neuf CPP n'étant pas homogène sur tout le territoire, il nous paraît nécessaire d'adapter ce tirage au sort pour qu'il s'applique effectivement à un groupe de comités disposant du niveau d'expertise requis pour chaque essai clinique.
Il s'agit d'une question de bon sens, qui ne remet en cause ni l'exigence éthique ni la sécurité des patients. Il s'agit notamment de s'adapter au droit européen, qui nous mettra face à nos dysfonctionnements dès 2020, en entraînant par défaut un avis favorable des CPP ne répondant pas dans les délais prévus. Sans adaptation de notre système, cette réglementation européenne fait peser un risque sur la sécurité des personnes, un risque qui nous force à agir.
Dans le même temps, il est nécessaire d'accroître le niveau d'expertise de tous les CPP grâce à des formations et à un réseau d'experts rapidement mobilisables. Comme notre rapporteur, j'insiste sur la nécessaire montée en compétences de l'ensemble des CPP. La liste de leurs expertises ne doit pas rester figée dans le temps, sous peine de voir ressurgir les risques de conflits d'intérêts. Dans notre rapport, nous avons également souligné l'importance de l'harmonisation des procédures d'évaluation et bien entendu du renforcement des moyens administratifs des comités. Sur ces différents points, nous resterons attentifs aux mesures concrètes qui seront proposées sur le terrain.
Bien que les auteurs de cette proposition de loi laissent au Gouvernement le soin de s'engager sur les moyens alloués aux CPP, ils apportent un début de réponse à la fragilisation de notre modèle.
L'engagement du Gouvernement à faire appliquer cette disposition dans les meilleurs délais nous pousse à l'optimisme. Gageons que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 et la nouvelle transformation de notre système de santé feront montre d'une même ambition en termes d'accès précoce aux innovations ! Dans cette attente, le groupe du RDSE votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Catherine Deroche et Sylvie Vermeillet applaudissent également.)