M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un an après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi AGEC », dont les mesures prennent progressivement effet, nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi transpartisane qui nous permettra, je l'espère, de compléter notre arsenal législatif pour atteindre les objectifs fixés par l'accord de Paris en 2015.
Pour l'heure, le numérique serait responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit 15 millions de tonnes d'équivalent carbone en 2019, avec une croissance de l'empreinte énergétique de 9 % par an. C'est bien cette croissance qui inquiète puisque, selon les projections, le numérique représentera 7 % du total des émissions en 2040 dans notre pays.
Il apparaît donc indispensable d'agir au plus vite, au-delà des dispositions de la loi AGEC, sur la réparation et le réemploi pour que les gains environnementaux permis par le numérique ne soient pas annulés par ses impacts en termes de pollution et de consommation de ressources et de matières premières.
À ce titre, la mission d'information sénatoriale pour une transition numérique écologique, qui a préfiguré la rédaction de cette proposition de loi, a permis de fournir des éléments concrets sur un sujet qui manquait de données. On a ainsi pu confirmer que 81 % de l'empreinte environnementale du numérique reposait sur le renouvellement des terminaux, notamment sur leur fabrication. C'est donc sur ce point que les efforts doivent être engagés en priorité, d'autant que près de 95 % des Français possèdent un portable.
Les mesures contenues dans cette proposition de loi tendent à renforcer le rôle du consommateur – public ou privé – en visant notamment à mieux lutter contre l'obsolescence programmée et à augmenter la durée de vie des appareils, deux sujets qui concourent au rachat trop fréquent de terminaux.
Nous vous proposerons des amendements afin de limiter le renouvellement des terminaux en encourageant les biens issus de l'économie de fonctionnalité, ainsi que les produits issus du réemploi ou de la réutilisation.
Les consommateurs, par des usages écologiquement vertueux du numérique, par des exigences croissantes et des achats responsables, entraîneront des changements durables dans les méthodes de conception. Nous sommes donc parfaitement en accord avec les dispositions de cette proposition de loi sur la formation des élèves à l'utilisation responsable des outils numériques, ainsi qu'avec l'inscription de l'impact environnemental des biens et services numériques dans le bilan RSE des grandes entreprises.
À ce sujet, le récent rapport du Haut Conseil pour le climat est venu confirmer les craintes grandissantes relatives au déploiement de la 5G et son impact sur les émissions de C02, en raison du renouvellement des infrastructures, des terminaux et de l'accroissement prévisible des usages.
Bien sûr, il ne s'agit pas de brider a priori le numérique, mais il s'agit de rappeler que ce secteur ne doit pas être exempté d'efforts pour respecter les engagements climatiques de la France. Ce secteur comprend aussi bien les acteurs économiques, les consommateurs que les acteurs publics. Nous devons tous prendre notre part dans le déploiement d'un numérique responsable et vertueux.
Cette proposition de loi offre une initiative législative complète en appréhendant toute la chaîne de valeur numérique. Il paraît donc important de rappeler que les collectivités et l'État aussi peuvent et doivent être moteurs et exemplaires en la matière.
Cela passe par la commande publique, comme le prévoit l'article 13, qui vise à rendre obligatoire le recours aux produits numériques dont les critères de réparabilité, dans un premier temps, et de durabilité, dans un second temps, seront plus exigeants.
Cela passe également par l'élaboration d'une stratégie numérique responsable dans les territoires, qui fait l'objet d'un nouveau chapitre. Je me réjouis de l'adoption de l'amendement que nous avions déposé en commission visant à prendre en compte l'empreinte environnementale du numérique au sein des plans climat air énergie territoriaux, les PCAET.
N'oublions pas toutefois les responsabilités du secteur économique. Les mesures de cette proposition de loi semblent donc aller dans le bon sens s'agissant des nouvelles obligations en matière d'écoconception des sites web les plus fréquentés, de la création d'un référentiel général de l'écoconception, de l'avantage fiscal prévu pour les centres de données moins énergivores ou encore des nouveaux engagements de réduction des impacts environnementaux des réseaux.
La préservation de l'environnement doit être prise en compte par tous les acteurs de la filière et la régulation de l'Arcep, en la matière, doit se faire avec davantage de contraintes.
Enfin, cette proposition de loi a subi de nombreuses modifications lors de son examen en commission au mois de décembre dernier : cinquante-six amendements ont été adoptés. C'est le signe de l'ouverture de ses auteurs et des rapporteurs, ainsi que de leur volonté de voir ce texte aboutir. C'est le signe aussi d'un dialogue que je crois constructif avec le Gouvernement, qui semble avoir pris le sujet en main et verra, je l'espère, cette initiative parlementaire comme une opportunité à saisir.
C'est en tout cas la position du groupe RDSE, qui salue ce travail équilibré et souhaite voir émerger au plus vite une véritable politique publique de sobriété du numérique, sans pour autant freiner les progrès économiques, sociaux et écologiques incontestables qu'il engendre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)