Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, une fois encore, le Conseil européen s'est penché sur l'inévitable Brexit. Alors que la date butoir du 31 octobre approche, le feuilleton continue... Le 19 octobre dernier, journée prématurément qualifiée de « super samedi », n'a pas permis de clarifier la situation malgré un accord remanié. Le débat d'hier à la Chambre des communes a encore une fois souligné la confusion.
Dans ces conditions, la question d'un report se pose à nouveau. Berlin vient d'ouvrir la porte à un éventuel report technique. Quelle est la position française sur le principe d'un nouveau délai jusqu'au début de l'année 2020 ?
Madame la secrétaire d'État, comme vous avez eu l'occasion de le souligner devant notre commission des affaires européennes il y a quelques jours, nos intérêts frontaliers directs avec la Grande-Bretagne nous obligent à favoriser les conditions d'un retrait négocié. Toutefois, le Brexit étant l'otage de la politique intérieure britannique, l'Union européenne doit aussi en appeler à la responsabilité de Londres.
Nous devons désormais avancer, en refermant le plus rapidement possible ce chapitre du Brexit, car l'Union européenne a de nombreux autres chantiers à poursuivre.
Parmi ceux-ci, je reviendrai sur les négociations autour du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Les conclusions du Conseil invitent à la présentation d'un cadre assorti de chiffres d'ici à la fin de l'année. Mon groupe y sera attentif. En attendant, nous connaissons les grandes priorités retenues, sur lesquelles on ne peut que s'accorder, qu'il s'agisse du soutien à la recherche et l'innovation, à l'investissement, à la politique de migration, de gestion des frontières et de défense... Tout cela va dans le bon sens puisqu'il s'agit d'encourager la mutualisation des moyens pour affronter des défis qui se posent à nous au niveau mondial ; et ils sont nombreux.
Pour autant, j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler ici, mon groupe est attaché à la préservation des moyens des politiques traditionnelles, compte tenu des enjeux qui se jouent aussi à l'échelle de nos territoires. Je pense bien sûr à la PAC ainsi qu'à la politique de cohésion qui sont, hélas, touchées par des réductions budgétaires décidées par la précédente Commission.
J'ai entendu que l'évolution de la part de l'enveloppe dédiée à la PAC n'était pas le point le plus important, mais qu'il fallait plutôt se pencher sur ce que l'on faisait des crédits. Certes, nous sommes tous conscients, je pense, de la nécessité d'inciter l'agriculture à se transformer et à accélérer sa transition écologique. Mais cet objectif d'une agriculture plus vertueuse a un coût, en particulier dans un monde plus ouvert et compte tenu des accords de libre-échange que l'Union européenne met en place et qui ne sont pas sans impact sur le secteur agricole.
À cet égard, les agriculteurs se sont encore mobilisés ce matin même, inquiets du traité avec le Mercosur qui ouvrirait la porte à des distorsions de concurrence. Le RDSE a déjà alerté le Gouvernement sur cet accord par un texte devenu le 27 avril 2018 une résolution européenne du Sénat.
Nous renouvelons le vœu d'une vigilance particulière sur ce dossier afin que les filières, en particulier celles du sucre et de l'élevage bovin, ne soient pas fragilisées plus qu'elles ne le sont déjà.
S'agissant de la politique de cohésion, si les négociations budgétaires de la précédente programmation ont retardé la mise en œuvre des projets, on sait très bien que la sous-consommation des crédits est due à une gestion interne aux États membres, pas toujours très efficace. C'est le cas dans notre pays.
Notre collègue Colette Mélot soulève très justement, dans son rapport sur le sujet, les difficultés liées au pilotage des fonds européens en France. Il est urgent de revoir le fonctionnement de l'autorité de gestion de ces fonds pour, d'une part, multiplier les projets dont nos territoires ont besoin, et, d'autre part, ne pas voir l'Union européenne restreindre la politique de cohésion au prétexte de la sous-consommation de ses crédits.
Le Conseil européen a également échangé sur le suivi des priorités de l'Union européenne énoncées dans le programme stratégique 2019-2024. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des orientations générales, mais j'émettrai quelques souhaits portés par mon groupe.
S'agissant du volet économique, le programme stratégique évoque la nécessité d'avoir une approche plus intégrée, en matière industrielle notamment, ainsi qu'un environnement avec des règles du jeu plus équitables. Aussi faudrait-il s'y atteler plus rapidement et plus concrètement.
Je prendrai un exemple dans le domaine de l'intelligence artificielle, dont nous avons débattu récemment au Sénat et qui est un élément de la stratégie pour le marché unique numérique. C'est un domaine dans lequel nous devons absolument fabriquer un champion européen afin de ne pas laisser les États-Unis et la Chine gagner définitivement la bataille de l'intelligence artificielle, compte tenu de ses enjeux non seulement économiques mais aussi stratégiques, et j'ajouterai éthiques.
Cependant, pour y parvenir, il faudrait assouplir quelques-unes des règles du marché unique. Je pense à certains blocages de la politique européenne de la concurrence, qui interdit la constitution de leaders européens pour éviter un monopole au sein de l'Union. C'est un principe louable pour le marché intérieur, mais qui s'avère être un frein pour affronter la concurrence mondiale dans des secteurs technologiques essentiels. Il me semble que la Commission doit approfondir cette question, les projets importants d'intérêt européen commun, les PIIEC, mentionnés à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne n'étant peut-être pas suffisants dans le contexte d'une guerre commerciale aujourd'hui difficile.
Enfin, je souhaitais évoquer brièvement la question de l'élargissement. La position de mon groupe a été rappelée la semaine dernière à l'occasion du débat sur l'accession de la Macédoine à l'OTAN.
Nous partageons, madame la secrétaire d'État, la position du Chef de l'État. L'élargissement ne peut pas être poursuivi sans une amélioration de la capacité d'agir en commun. En outre, nous avons besoin d'une Europe qui œuvre à une convergence sur le plan économique, fiscal et social, objectif qu'un élargissement sans bornes risquerait de compromettre.
En somme, tirons les leçons de notre passé récent pour faire de l'Union européenne une véritable zone de prospérité. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC.)