Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Olivier Léonhardt. La difficulté, dès lors que l’on s’exprime sur la laïcité, c’est d’avoir un propos qui rassemble tous les Français et pas simplement une catégorie d’entre eux.
La République française n’est pas une démocratie comme les autres. Elle s’est constituée dans une émancipation nette, assumée et consciente du fait religieux, et ce dès sa naissance. Elle s’est constituée contre l’oppression et la violence de la noblesse mais aussi du clergé.
Comprenez-moi bien, je ne pointe personne du doigt, je ne stigmatise personne et je reconnais, bien sûr, le rôle culturel, historique et philosophique des religions. Mais, du point de vue de la Nation, chaque revendication religieuse se confronte avec l’identité républicaine et laïque de la France.
Aujourd’hui, la République est violemment attaquée par l’extrémisme religieux et sa violence meurtrière.
La République doit et peut faire face, si elle ne cède pas à la tentation, ici et là, de négocier avec chaque religion, d’en donner un peu à chacun, au risque que tous considèrent n’en avoir jamais assez, n’avoir jamais assez de droits et très peu de devoirs.
Affirmons-le, le premier devoir d’un citoyen français et de tous ceux qui vivent dans la République n’est pas militaire, il n’est pas fiscal, il n’est pas réglementaire. Ce premier devoir est d’accepter que son identité individuelle ne prenne pas le pas sur l’identité collective. La liberté de tous est garantie par l’existence d’une seule identité : l’identité républicaine.
La laïcité, ce n’est pas un règlement, ce n’est pas une loi, ce n’est pas un point d’équilibre ni une manière sympathique de vivre ensemble, c’est la protection de tous les individus face à la tentation d’une norme philosophique ou religieuse promulguée hors de la démocratie.
Il n’y a pas d’extrémisme laïc. C’est d’ailleurs la laïcité qui protège le droit à la croyance dans notre pays et qui évite les affrontements entre les religions.
Alors, quand la logique communautariste et prosélyte l’emporte, la laïcité doit se réimposer par l’autorité de l’État républicain.
Voilà ce qu’est la laïcité, voilà ce que personne n’ose vraiment dire, voilà pourquoi nous sommes en difficulté ! Si la République française ne tremble pas, la laïcité reste une perspective émancipatrice pour notre pays, mais aussi pour le reste du monde.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, je ne peux que vous remercier de cette présentation. Je vous rejoins sur les principes fondamentaux que vous avez exposés et qui sont aussi fondateurs de ce que nous sommes.
Si la laïcité est garante de l’unité nationale – je reprends l’intitulé de nos travaux de cet après-midi –, le fait de poser la laïcité en soi ne suffit pas. Il faut défendre la laïcité, la faire vivre et la garantir. Un certain nombre de ceux qui la contestent se fichent un peu d’elle. Ils visent tout simplement à affirmer la supériorité d’une loi religieuse sur la loi de la République.
C’est à partir de ce principe de laïcité que nous devons nous doter d’armes – je reprends les termes de ma réponse au sénateur Karoutchi – ou utiliser celles dont nous disposons. Or, aujourd’hui, nous ne l’avons pas assez fait.
Au fond, nous avons accepté, sur certaines parties du territoire, un effacement de cette laïcité juste, de cette laïcité garantie, de cette laïcité défendue. C’est la raison pour laquelle nous devons parler de reconquête républicaine et nous retrouver sur ce sujet au-delà de nos opinions politiques et de nos divergences. Il nous faut garantir que la laïcité ne se réduise pas à une feuille de papier sur laquelle est posé son principe fondateur. Nous devons, au contraire, faire en sorte qu’elle soit armée. C’est notre responsabilité de l’armer, soit par la loi, soit par l’action. C’est la responsabilité du ministre de l’intérieur d’assumer qu’elle puisse être garantie par l’action.