Lampedusa en Italie, Melilla en Espagne ou Calais en France : il est dans l'intérêt de tous les États membres de coopérer et de mobiliser les moyens opérationnels adéquats. Il convient en outre de ne pas oublier les valeurs fondatrices de l'Union européenne, au premier rang desquelles figure la solidarité. Les nations qui protègent les frontières extérieures de l'Union le font – faut-il le rappeler ? – au nom de la sécurité collective. Pour cela, nous devons faire front commun et chacun des États membres doit prendre ses responsabilités.
Le ministre de l'intérieur l'a récemment déploré : des bateaux sont achetés en Allemagne, des passeurs logent aux Pays-Bas, tandis que l'argent transite par la Belgique…
Monsieur le secrétaire d'État, vous l'avez souvent rappelé, il y a, dans cette lutte, des outils qui existent et d'autres qui sont « sur la table ». Frontex connaît, depuis quelques années, une montée en puissance, et le déploiement d'un avion missionné par cette agence pour surveiller la Manche va dans le bon sens. Il faut également encourager activement la mobilisation d'Europol afin de démanteler les réseaux de passeurs.
Toutefois, la surveillance n'est qu'un palliatif ; à mon sens, dans cette situation, la prévention demeure fondamentale. À cet égard, l'Europe doit envoyer un message politique ferme à tous ceux qui facilitent directement ou indirectement les migrations.
Je pense d'abord et surtout à l'instrumentalisation des migrants comme arme de pression politique. Le Conseil européen, lors de sa réunion des 21 et 22 octobre derniers, a condamné les attaques hybrides menées aux frontières de l'Union européenne et a déclaré vouloir y réagir en conséquence. Comment la France s'emparera-t-elle de ce sujet lors de sa prochaine présidence ? Où en sont les huit plans d'action pour les pays d'origine et de transit promis par la Commission européenne voilà quelques mois ?
Enfin, si tout doit être mis en œuvre pour éviter les drames humanitaires, l'Europe doit rester une terre d'accueil. Nous devons intégrer les migrants dans les meilleures conditions. Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen est ouvert aux propositions contenues dans le pacte sur la migration et l'asile et espère que les points de blocage pourront être levés rapidement.
S'il est un autre sujet qui ne connaît pas de frontières, c'est celui de la pandémie de covid-19. Une nouvelle vague approche, dont on a encore du mal à mesurer l'impact.
Que peut faire l'Europe en ce domaine ? Mieux coordonner les mesures, notamment dans les zones frontalières, et vacciner davantage, non seulement au sein de l'Union, mais également dans le monde, puisqu'il s'agit bien d'une pandémie.
Le projet de règlement du Conseil pour une gestion commune des contre-mesures médicales en cas de crise sanitaire transfrontalière est en route et c'est une bonne chose.
Plus globalement, le principal bénéfice de cette crise est l'émergence – enfin !– d'une Europe de la santé, un volet resté jusqu'à présent marginal au sein des actes fondateurs de la construction européenne. Pour sa part, le groupe du RDSE est très favorable au fait que la santé soit un véritable pilier de l'Union européenne.
Je veux souligner l'intérêt que nous aurions au fait de garantir le plus rapidement possible la souveraineté européenne en matière de production de médicaments. Notre dépendance à l'égard de pays tiers pour la production de principes actifs et de certains équipements médicaux doit être rapidement réduite. Je sais que la France soutient des projets de relocalisation industrielle dans le secteur de la santé. J'espère que ce sujet figurera parmi les chantiers de la présidence française de l'Union européenne.
Cette situation de crise pandémique qui se prolonge a des conséquences économiques, notamment des tensions sur les matières premières. Le Conseil européen se penchera à nouveau, lors de sa prochaine réunion, sur la question du prix de l'énergie.
Lors de sa dernière réunion, le Conseil européen invitait la Commission à se pencher sur le fonctionnement des marchés de l'électricité en vue d'une éventuelle adaptation du cadre réglementaire applicable. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous des pistes sur le sujet ?
Je profite de l'occasion pour souligner que ces tensions sur l'énergie pourraient s'aggraver si les États membres n'arrivaient pas à s'accorder sur les orientations de la taxonomie. La résolution européenne sur l'inclusion du nucléaire dans le règlement délégué complétant le règlement sur les investissements durables, que le Sénat vient d'adopter, rappelle l'importance de la préservation des capacités de la France à produire de l'énergie sur le fondement d'un mix énergétique comprenant le nucléaire. Certains membres de mon groupe souscrivent à ce point de vue, mais celui-ci est, certes, clivant. Il s'agit à la fois de contribuer à décarboner les sources d'énergie à long terme, mais aussi de limiter la flambée des prix qui nous préoccupe actuellement.
En marge de l'agenda de la prochaine réunion du Conseil européen, je veux évoquer une dernière question, qui n'est pas sans lien avec la précédente.
En ce qui concerne les conséquences de la pandémie de covid-19 sur l'économie, la situation est très contrastée et évolue au gré des nouvelles vagues. Toutefois, une chose est claire : les inégalités de richesses se sont accrues pendant la crise sanitaire. C'est pourquoi le groupe du RDSE considère avec attention la proposition belgo-espagnole d'un mécanisme d'alerte en cas de déséquilibre social, à l'instar de ce qui existe pour les déséquilibres macroéconomiques.
L'Union européenne doit en effet promouvoir des exigences fortes en matière de politique sociale et d'emploi. Dans cette perspective, il faut veiller à ce que les bénéfices de la relance soient équitablement partagés. Sans cela, faute de solidarité et de convergence, l'Europe échouera à construire un projet véritablement inclusif et vecteur d'espoir pour tous nos concitoyens. (M. André Gattolin applaudit.)