M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire.
M. Bernard Fialaire. Le contrôle aux frontières et le défi migratoire doivent nécessairement susciter une réflexion technique et pratique sur les démarches relatives aux droits au séjour et aux naturalisations auxquelles sont confrontées les personnes arrivant dans notre pays.
Comme nos concitoyens, les personnes qui demandent un titre de séjour sont confrontées à une nouvelle pratique administrative : la dématérialisation !
Notre assemblée a déjà montré sa sensibilité à la question de l’illectronisme, qui creuse certaines fractures et constitue un handicap majeur dans une société toujours plus numérisée.
Dans ces circonstances, nous imaginons facilement dans quelle précarité peuvent être plongées les personnes faisant une demande de titre de séjour lorsqu’il est nécessaire pour y parvenir de verser en ligne des pièces jointes au format PDF compressé, après avoir complété, via des portails numériques, des formulaires préalables à toute prise de rendez-vous. Encore faut-il qu’elles aient accès à internet dans des conditions convenables…
Une telle question avait été soulevée par un arrêt du Conseil d’État rendu le 11 novembre 2019, à la suite d’une requête formée par la Cimade, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), la Ligue des droits de l’Homme et le Syndicat des avocats de France. Le Conseil d’État souligna alors que les difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour prendre rendez-vous dans les préfectures trouvaient leur origine dans les décisions rendant obligatoire la prise de ces rendez-vous sur internet.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre afin de vous assurer que les personnes immigrant en France puissent être en mesure d’effectuer dignement leurs démarches en vue de régulariser leur situation ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, Fialaire, la dématérialisation des procédures ne saurait se traduire pas une baisse de la qualité du service rendu à l’usager. Les procédures relatives au droit des étrangers font partie de celles qui ont été le moins dématérialisées. Les guichets demeurent dans toutes les préfectures.
Pour répondre plus précisément à votre question, l’accès à des rendez-vous en ligne pour obtenir un titre de séjour a été mis en œuvre pour répondre aux contraintes sanitaires. Il ne doit pas être confondu avec la dématérialisation des demandes de titres en ligne. Pour l’instant, seuls sont concernés les titres étudiants, les autorisations de travail et les passeports talents. À ce stade, cela ne pose pas de difficultés majeures.
Pour l’accès à la nationalité, un plan est prévu pour accompagner les étrangers dans leurs démarches. Ainsi, les demandeurs d’accès à la nationalité française pourront bénéficier de la mission d’accompagnement numérique des usagers étrangers en préfecture. Par ailleurs, sur les sites des préfectures, des vidéos didactiques sont mises à disposition des usagers afin de leur permettre de bien se repérer dans le déroulé des grandes étapes administratives de leur dossier et d’être guidés dans la phase préparatoire du dépôt de leur demande. En outre, le Centre de contact citoyens de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) sera mobilisé pour répondre aux demandes des postulants à la nationalité française.
De manière générale, la dématérialisation des procédures « étrangers » s’est faite autour de l’usager : le numéro de dossier unique le suit désormais tout au long de son parcours, les délais d’instruction ont été réduits, tout comme le nombre de passages obligatoires en préfecture. Enfin, des moyens alternatifs d’accompagnement sont prévus pour les étrangers pour lesquels les moyens actuels ne seraient pas adaptés.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour la réplique.
M. Bernard Fialaire. Il semblerait que certaines administrations n’aient pas tenu compte de ces avertissements. Un certain nombre de recours juridictionnels ont en effet été introduits afin de contester des arrêtés de préfecture imposant aux personnes étrangères de déposer en ligne leur demande de titre de séjour. Je pense par exemple à la décision du tribunal administratif de Rouen en date du 18 février 2021.