M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à ce stade de l'examen du projet de loi Pacte, on ne peut exprimer que des regrets, voire une certaine frustration.
En effet, l'échec de la commission mixte paritaire, suivi, vraisemblablement, du vote par le Sénat d'une motion tendant à opposer la question préalable, interrompt le dialogue entre les deux chambres et le Gouvernement, dans un domaine où une issue consensuelle ne me semblait pas a priori hors de portée.
Je vous avais fait part, en première lecture, de mes craintes concernant le périmètre de ce projet de loi, lequel contenait à mon sens des dispositions trop disparates, au détriment de sa cohésion. Qu'y a-t-il de commun entre la suppression du stage à l'installation des artisans, la possibilité de définir la raison d'être d'une entreprise et la privatisation de trois grands groupes publics ? Le résultat donne raison au dicton : qui trop embrasse mal étreint.
Dans cet ensemble, on trouvait un gros caillou nommé Aéroports de Paris, sur lequel est venu se briser tout espoir de consensus. Malgré les efforts de la présidente de la commission spéciale, Catherine Fournier, et de son rapporteur sur ce sujet, Jean-François Husson – dont je tiens à saluer le travail, comme celui des deux autres rapporteurs, Élisabeth Lamure et Michel Canevet –, la privatisation d'ADP n'a pas trouvé grâce auprès de la majorité sénatoriale.
Le sujet méritait-il une telle opposition ?
M. Emmanuel Capus. Non !
M. Jean-Marc Gabouty. Pour ma part, je n'en suis pas totalement persuadé, car on pouvait évaluer différemment son opportunité financière en termes de dividendes hier et de revenus financiers demain.
Il ne s'agit en aucun cas d'une opération de retrait patrimonial définitif, puisque la propriété reviendra au terme de la convention à l'État, qui conservera évidemment toutes les fonctions régaliennes de contrôle douanier ou aérien. La durée de concession semblait certes trop longue, mais le futur concessionnaire ne sera finalement chargé que du fonctionnement et de l'intendance à caractère commercial.
Madame la secrétaire d'État, je ne vous reprocherai pas de nous avoir soumis un texte fourre-tout, car cela se pratique depuis plusieurs décennies, mais il aurait sans doute été opportun de consacrer aux privatisations un projet de loi distinct. Celles-ci mises à part, nous partageons bien sûr les orientations générales de ce texte, destinées à favoriser la création et le développement des entreprises, en associant mieux les salariés à cette démarche.
On peut ainsi saluer la simplification des procédures de création, de transmission et de reprise des entreprises, la rationalisation du nombre de seuils d'emplois et, surtout, l'introduction de souplesse lors de leur franchissement, le relèvement du seuil de certification des comptes, la suppression du forfait social sur l'intéressement pour les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de cinquante salariés ainsi que des aménagements pertinents concernant l'épargne retraite et l'assurance vie et la promotion d'un PEA-PME.
Il ne s'agit là que de quelques exemples, qui viennent s'ajouter aux multiples dispositions de réduction de délais, d'allégement de contraintes et de simplification contenues dans ce texte.
On peut cependant s'interroger sur certaines évolutions qui me semblent relever d'un affichage de simplification ou de modernité, dont l'impact à terme pourrait être incertain, voire négatif, pour les entreprises comme pour les territoires.
La centralisation à l'échelon régional des réseaux consulaires est ainsi conforme à une évolution subie depuis quelques années, mais elle sera de nature à appauvrir les territoires éloignés des métropoles et des capitales régionales. On constate d'ores et déjà les effets négatifs de cette tendance, dont le mouvement des « gilets jaunes » est un révélateur, mais on ne sait pas comment mettre en œuvre rapidement une logique différente.
Ce projet de loi présente aussi des insuffisances en matière d'accès au crédit et aux marchés pour les PME. En effet, à l'exception de dispositions concernant la gouvernance de la Caisse des dépôts et du groupe La Poste, le secteur bancaire semble avoir été laissé en dehors du texte, alors qu'il devrait jouer un rôle offensif dans le financement des PME, ce qu'il fait parfois très mal.
Enfin, je renouvelle l'expression de mon regret, voire de mon incompréhension, s'agissant du souhait de faire de l'intéressement un marqueur du partage de la richesse produite par les entreprises en rendant ce dispositif obligatoire pour toutes les entreprises de plus de dix salariés.
Cela répondait à l'objectif que se sont fixé le Gouvernement et le Président de la République, objectif qui ne pourra pas être atteint par de seules mesures incitatives. Dans les entreprises où ce dispositif est déjà en vigueur, les salariés verront leur intéressement augmenter, car un dirigeant d'entreprise raisonne en enveloppe globale incluant la somme allouée et les taxes afférentes. En revanche, la seule suppression du forfait social ne me semble pas être de nature à convertir à l'intéressement les chefs d'entreprise qui ne le pratiquent pas.
Dans le contexte actuel, cette mesure de justice sociale avait le mérite d'introduire du pouvoir d'achat, de valoriser le travail et de faire bénéficier l'entreprise de la motivation et de l'implication de ses salariés. Cette disposition, qui n'avait d'ailleurs pas non plus les faveurs de la majorité sénatoriale, aurait pu faire partie des réponses au grand débat national, dans un volet où, il faut bien le reconnaître, le développement économique, l'emploi et l'entreprise semblent relégués au second rang. Il n'est peut-être pas encore trop tard !
Telles sont, madame la secrétaire d'État, mes observations et celles de mon groupe, qui, comme vous le savez, est opposé par principe aux questions préalables lorsque celles-ci visent à empêcher le nouvel examen d'un texte auquel le dialogue aurait permis d'apporter de nouvelles améliorations. Sans surprise, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ne votera donc pas la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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