M. André Guiol. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous remercions le groupe RDPI et particulièrement André Gattolin, très impliqué sur ce sujet, pour l’organisation de ce débat.
Comme si la guerre ne portait pas en elle-même suffisamment d’atrocités, le pouvoir russe fait preuve en la matière d’une imagination sans limites.
Tout comme l’annexion de la Crimée en 2014, l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022, a été ponctuée de bombardements de villes, d’hôpitaux, d’écoles. Nous découvrons maintenant la déportation de milliers d’enfants ukrainiens vers la Fédération de Russie.
Des centaines d’enfants de la région de Kherson ont été soustraits à leurs parents, sous le prétexte de jolies colonies de vacances, ou encore enlevés après l’arrestation, voire l’assassinat d’un parent, ou grâce à un subterfuge quelconque. Ce sont des milliers d’enfants qui ont été ainsi déportés, causant le désarroi et le malheur de leurs familles.
Mais comment connaître leur nombre exact ? Sont-ils près de 20 000, comme certaines estimations le laissent penser, ou dix fois plus, comme les autorités ukrainiennes le déclarent ? Comment rendre possible le retour en Ukraine de tous ces enfants déportés ?
C’est la difficile question qui nous préoccupe aujourd’hui, dans le contexte d’une guerre durable.
Il est bien évident qu’il faut tout d’abord soutenir financièrement toutes les organisations humanitaires impliquées dans la recherche et le rapatriement des jeunes victimes, ainsi que les autorités ukrainiennes, déjà très investies, pour comptabiliser les familles concernées et recenser toutes les formes d’enlèvement utilisées.
L’association Save Ukraine connaît bien le processus post-enlèvement, ce qui devrait permettre au gouvernement ukrainien et à la communauté internationale d’identifier et de localiser les enfants déportés. Il importe de mobiliser les moyens humains et matériels en faveur de la poursuite de ce travail d’inventaire et d’affinage des données sur ces enfants, qu’ils se trouvent dans des familles d’accueil ou dans des camps.
La pression diplomatique est également nécessaire, mais sous un angle très spécifique, puisque ce problème n’entre pas dans le processus connu des échanges de prisonniers de guerre. Par ailleurs, la Russie ne peut reconnaître la bassesse de ses agissements. Ces déportations illégales d’enfants n’ont par conséquent aucune existence officielle.
Il appartient à la Croix-Rouge et à l’ONU, dont la Russie, rappelons-le, vient de prendre la présidence du Conseil de sécurité, de mettre en place un dispositif de règlement pour le cas où celui-ci deviendrait possible.
Faut-il rappeler que la Russie a ratifié la convention relative aux droits de l’enfant ?
Il appartient aussi à la France de faire inscrire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité la question des droits des enfants, sur la base de la résolution 2427 adoptée en 2018, et d’inviter la Russie à contribuer à résoudre ce type de situation. Il s’agit de mettre la Russie et Vladimir Poutine devant leurs contradictions.
Aujourd’hui, chaque récupération d’enfant est une opération isolée, qui repose sur des contacts informels et dangereux. Le temps joue contre ces enfants, qui sont « russifiés », endoctrinés. Une approche globale s’impose.
Une doctrine de prévention doit être mise en œuvre autour de deux principes.
Tout d’abord, les autorités ukrainiennes doivent, dans la mesure du possible, éloigner du théâtre de guerre le maximum d’enfants mineurs.
Ensuite, nous devons mener une « guerre informationnelle » positive, si j’ose dire, en utilisant notamment les réseaux sociaux, lesquels, pour une fois, porteraient bien leur nom. Il s’agirait de mettre devant leurs responsabilités les familles d’accueil russes, qui pensent participer à une action d’évacuation humanitaire en éloignant ces enfants des zones de combat. Ces familles savent-elles qu’elles sont en réalité complices de crimes de guerre, une qualification déjà retenue par une commission d’enquête de l’ONU ? Il faut le leur faire savoir.
J’en viens au volet de la réponse judiciaire.
La Cour pénale internationale a été saisie, ce qui est une bonne chose. On peut en effet se réjouir des deux mandats d’arrêt émis en mars dernier par la CPI pour le crime de guerre de déportation illégale d’enfants ukrainiens : l’un contre le président russe ; l’autre contre Maria Lvova-Belova, sa commissaire aux droits de l’enfant.
Bien entendu, Vladimir Poutine conteste la légitimité de ces procédures. Il n’empêche qu’il s’en trouve encore davantage mis au ban de la communauté internationale.
Rappelons aux Russes ce vieil adage : « Bien mal acquis ne profite jamais ! » Prévenons-les que ces enfants, que le pouvoir russe souhaite dresser contre l’Ukraine et l’Occident, sont de véritables bombes à retardement pour leur identité russe. Ce peuple mérite mieux au regard de son histoire ! (Applaudissements.)