Le débat sur l’écriture épicène, dite « inclusive », met en jeu ces deux exigences constitutionnelles. Au-delà, elle interroge notre façon de « faire société » à travers le langage.
L’écriture inclusive repose sur deux grands principes. D’une part, il s’agit d’accorder les grades, fonctions, métiers et titres en fonction du genre – on écrira ainsi « une autrice », « une pompière » ou « une sénatrice ». Ce principe ne rencontre pas d’opposition, et l’Académie française en a d’ailleurs fait la promotion. Il s’agit de lutter contre l’invisibilisation des femmes. D’autre part, il s’agit d’inclure les deux sexes grâce à l’utilisation du point médian pour éviter que le masculin « ne l’emporte » sur le féminin – on écrira ainsi « les électeur.rice.s » ou « les citoyen.ne.s ». C’est ce principe qui attise aujourd’hui les passions.
Albert Camus disait : « J’ai une patrie : la langue française. » Or non seulement l’écriture inclusive conduit à une dénaturation de la langue française, mais le désir d’égalité n’excuse pas le façonnage des consciences. Cette écriture s’accompagne en effet d’une politisation du langage de la part d’une minorité loin d’être consensuelle. Elle n’est utilisée que dans des cercles militants très restreints, et sa généralisation semble au moins prématurée, au pire peu souhaitable.
Comme notre collègue Bargeton, je citerai Roland Barthes : « Dès qu’elle est proférée, fût-ce dans l’intimité la plus profonde du sujet, la langue entre au service d’un pouvoir. » Oui, la langue entre au service d’un pouvoir, celui de la culture et de l’histoire dont nous sommes héritiers ! Le français est riche d’un passé glorieux. Nos écrivains, nos diplomates, nos figures illustres ont pensé dans cette langue prestigieuse dont l’influence est forte dans les pays de la francophonie.
Mais la langue française ne doit pas être instrumentalisée au service d’une repentance anachronique. L’écriture inclusive relève d’une idéologie militante dont ne doivent pas souffrir les élèves. Alors que ces derniers ont de plus en plus de mal à savoir lire et écrire, comme nous le démontrent les classements PISA, nous ne pouvons nous permettre d’alourdir et de complexifier l’apprentissage de la langue française.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
M. Bernard Fialaire. L’Académie française a déjà alerté sur le risque d’aboutir à une langue désunie, disparate dans son expression et créant une confusion qui confine à l’illisibilité.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. Bernard Fialaire. L’écriture inclusive consacre une rupture sans précédent entre la langue parlée et la langue écrite.
Si chacun est libre d’utiliser divers moyens de communication dans son espace privé, les services publics, ainsi que leurs agents, ne doivent pas communiquer par écrit dans une langue aussi incomprise que discriminante.
Mme Laurence Cohen. Oh !
M. Bernard Fialaire. À cet égard, je ne peux que soutenir la décision du ministre de l’éducation nationale de rejeter l’usage de l’écriture inclusive dans les manuels scolaires.
Il s’agit d’un barrage à la transmission de notre langue pour tous, raison pour laquelle je m’inscris en opposition, ainsi que l’ensemble de mon groupe, avec cette écriture compliquée. Loin de tout discours réactionnaire, je ne peux me résoudre à lire un « roman épicène » – de grâce, épargnez-moi l’allongement des fameuses phrases de Proust ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)