M. Jean-Pierre Corbisez. Madame la secrétaire d’État, dans une société fracturée et en manque de repères pour les jeunes, je ne doute pas que les projets présidentiels de mentorat et de service national universel puissent aider au renforcement de la cohésion sociale. Hélas, les objectifs fixés en termes d’effectifs pour 2021 ne devraient pas être atteints d’ici à la fin de l’année.
En effet, il y a peu, pour le mentorat, seuls 45 000 jeunes étaient inscrits sur les 100 000 envisagés. S’agissant du service national universel, le même constat peut être observé avec moitié moins de recrues que prévu.
Dans ces conditions, bien évidemment liées à la pandémie, et en période préélectorale, est-il prudent de promettre, comme c’est le cas dans le projet de loi de finances pour 2022, des cibles d’effectifs trop ambitieuses ? En outre, ne faudrait-il pas évaluer ces dispositifs avant de les généraliser quoi qu’il en coûte ?
Un peu de modestie budgétaire à leur égard aurait permis de soutenir d’autres secteurs également fragilisés par la crise sanitaire. Je pense aux colonies de vacances et, plus largement, à l’accueil des plus jeunes pour lesquels la formation des animateurs et encadrants a pris un sérieux retard, ce qui entraîne d’importantes difficultés de recrutement.
Or le prochain budget entérine une baisse de 18 % des crédits consacrés aux examens et certifications, là où il aurait fallu a minima les stabiliser…
À cela s’ajoutent les inquiétudes des élus locaux sur la généralisation des conventions territoriales globales. Ce nouveau mode de contractualisation de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) relatif aux politiques de l’enfance et de la jeunesse ne fait pas l’unanimité. Outre qu’il interfère avec les choix politiques des élus, il durcit les conditions de contractualisation et hypothèque certains financements.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous rassurer les élus locaux sur la préservation de leurs politiques contractuelles en direction de l’enfance et de la jeunesse ?
Par ailleurs, au vu du développement ralenti du mentorat et du service national universel, l’État envisage-t-il un rééquilibrage des crédits au profit d’autres actions auprès des plus jeunes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Monsieur le sénateur Corbisez, notre ambition a été trop forte, je vous l’accorde, mais seulement en termes de calendrier, qui a été ralenti pour le service national universel.
En revanche, notre ambition n’a pas baissé pour l’effectif des jeunes évalués. L’année dernière, 25 000 jeunes étaient attendus pour effectuer le service national universel ; finalement, ils ne sont que 15 000, puisque les protocoles sanitaires nous imposaient de réduire l’effectif. Mais, en réalité, plus de 30 000 jeunes se sont inscrits. Cela signifie que cette ambition pourra être atteinte lorsque nous serons libérés du port du masque, et plus largement de la crise sanitaire.
La même énergie a été déployée sur le mentorat, pour lequel 30 millions d’euros ont effectivement été investis.
Le mentorat est fondamentalement un accélérateur d’égalité des chances. Nous le percevons comme un moyen de permettre à chaque jeune, quelle que soit son aspiration, de ne pas céder à l’autocensure et de développer une énergie ou un réseau, familial ou autre, dont il ne disposerait pas.
Vous avez insisté, monsieur le sénateur, sur le rôle de la CNAF.
Nous organisons actuellement des assises de l’animation, auxquelles participent la CNAF, les associations d’éducation populaire, les représentants des élus locaux et les associations d’élus.
Si nous voulons porter cette ambition de l’accompagnement, périscolaire ou extrascolaire, des plus jeunes dans nos territoires, nous avons besoin de construire des projets au niveau local et donc de conclure des alliances territoriales, notamment éducatives.
Il convient à cet égard de relever deux enjeux : premièrement, redynamiser les parcours, en particulier ceux de l’animation professionnelle, en prévoyant une revalorisation des emplois et des salaires ; deuxièmement, recréer des envies de s’engager, grâce à la revalorisation du BAFA.
Aujourd’hui, je le sais, le coût du BAFA est un frein. Pour l’année prochaine, un investissement massif est prévu dans le budget de mon secrétariat d’État pour financer une aide nouvelle à destination de 20 000 jeunes souhaitant passer ce brevet. Mais au-delà de cette aide ponctuelle, il faut une réponse structurelle. J’espère que ces assises de l’animation aboutiront à l’adoption d’un plan d’action massif.