By Sandra on mardi 2 mai 2023
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Débat sur le thème : « Quelles solutions pour développer l'hydrogène au sein de notre mix énergétique ? »

M. Jean-Pierre Corbisez. Poursuivant ses efforts de neutralité climatique, notre pays a l'ambition de faire décoller la filière d'hydrogène bas-carbone. Il prévoit ainsi le déploiement de 6,5 gigawatts d'électrolyseurs installés à l'horizon 2030, permettant d'éviter l'émission de 6 millions de tonnes de CO2 par an. On ne peut qu'approuver un tel objectif.

L'hydrogène dit « vert » ou « décarboné » obtenu par électrolyse est non seulement une manne pour le développement des énergies renouvelables, mais aussi un vecteur incontournable pour la décarbonation de secteurs comme l'industrie lourde, les mobilités routières intensives ou les transports maritimes et aériens. Toutefois, je tiens à soulever quelques questions concernant l'amont de sa production.

L'hydrogène par électrolyse mobilise la ressource en eau. Ainsi, la production d'un million de tonnes d'hydrogène renouvelable et bas-carbone nécessiterait entre 10 et 20 millions de mètres cubes d'eau.

Certes, ce volume représenterait à peine 0,2 % de la consommation d'eau annuelle de notre pays : c'est bien peu comparé aux besoins du secteur de l'énergie dans son ensemble, qui, à lui seul, représente le tiers de la consommation nationale. Mais dans le contexte actuel, marqué par les sécheresses à répétition, quelle stratégie adopter pour une meilleure utilisation de la ressource ?

Ne faudrait-il pas créer de nouvelles synergies pour la réutilisation des eaux usées industrielles, le développement des technologies de désalinisation partielle ou encore l'utilisation d'eau marine dans l'industrie ? Je souhaiterais connaître votre avis sur ces différentes pistes.

L'autonomie minière est également un enjeu majeur. En effet, la filière hydrogène n'échappe pas aux besoins en métaux critiques, tels que l'iridium et le platine. Alors que la production de platinoïdes est concentrée dans quelques pays, dont certains sont fragiles sur le plan géopolitique, et que la dynamique autour de l'hydrogène est très importante, en Europe comme dans d'autres régions du monde, comment sécuriser l'approvisionnement de la filière hydrogène pour les prochaines décennies ?

Enfin, sur les 10 milliards d'euros dédiés à l'hydrogène, qu'en est-il des 4,2 milliards d'euros réservés au mécanisme de soutien à la production ? Il semble que ces crédits peinent à être déployés. Si vous ne me donnez pas la réponse aujourd'hui, vous me l'apporterez sans doute demain, puisque nous avons rendez-vous pour traiter de l'industrie verte.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Roland Lescure, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous posez là trois questions en une.

Tout d'abord, vous m'interrogez au sujet de la consommation d'eau. La production d'hydrogène, comme toutes les industries, n'échappe évidemment pas aux enjeux de sobriété : sa consommation doit devenir encore plus raisonnable.

Néanmoins, en la matière comme dans de nombreux autres domaines, l'industrie a été plutôt en avance. Depuis déjà une dizaine d'années, elle réduit ses besoins en eau.

Nous avons eu l'occasion de l'indiquer au Sénat lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement : nous travaillons à un plan de sobriété, annoncé par le Président de la République, dans le cadre duquel l'industrie joue elle aussi son rôle.

L'hydrogène, comme les autres industries, est capable de réutiliser son eau. Le décret dit « Réut » va permettre aux industriels de réutiliser leurs eaux usées dans leur processus de production, ce qui est aujourd'hui largement interdit. Il permettra, ce faisant, de limiter fortement la consommation d'eau, y compris pour produire l'hydrogène.

Ensuite, vous évoquez la dépendance aux métaux critiques. Vous avez raison : notre logique stratégique nous commande de réduire notre dépendance à cet égard. C'est précisément pourquoi nous créons un fonds d'investissement destiné à sécuriser nos approvisionnements, dans le monde comme en France. Sachez tout de même que les nouvelles technologies d'hydrogène, notamment les technologies dites « solides », ne font plus appel aux métaux rares que vous mentionnez : leur intérêt n'en est que plus grand.

Enfin, l'enveloppe de 4,2 milliards d'euros que vous citez est encore en négociation, au titre des aides d'État, avec la Commission européenne. Nous avons bon espoir de converger très vite.

Je vous dis donc à demain pour notre réunion relative à l'industrie verte ! (Sourires.)