M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'économie sociale et solidaire et l'économie circulaire sont fondées sur des valeurs qui se rejoignent et, souvent, se recoupent. La première vise un objectif d'utilité sociale, la seconde a pour objet d'optimiser l'utilisation des ressources naturelles afin de mieux les préserver. Qui peut prétendre que ces buts n'ont pas d'utilité sociale ?
La consommation durable se situe à l'intersection de ces modèles économiques. C'est sur ce point que je souhaiterais attirer votre attention, et plus particulièrement sur le reconditionnement des produits d'occasion.
Dans le cadre des débats autour de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, le Gouvernement a avancé la possibilité d'assujettir les produits d'occasion reconditionnés à la redevance « copie privée ».
Cette taxe a été créée en 1985 pour compenser un manque à gagner des ayants droit sur les produits copiés. Si elle était appliquée, le secteur français de l'économie circulaire pourrait connaître une perte estimée à plus de 150 millions d'euros de chiffre d'affaires. S'il semble légitime de protéger la culture, cela ne doit évidemment pas mettre en péril l'emploi local ou les modes de consommation responsable.
En effet, l'économie circulaire a permis la création en France de plus de 5 000 emplois, notamment dans des entreprises du secteur marchand et des organisations solidaires intégrant des personnes en formation, en insertion, en situation de handicap.
En outre, le reconditionnement, c'est permettre de prolonger la durée de vie d'un produit et, partant, éviter d'utiliser davantage de matières premières afin de produire de nouveaux biens.
Enfin, reconditionner, c'est rendre accessible au plus grand nombre les nouvelles technologies de l'information et de la communication, puisque plus de 70 % des Français achètent régulièrement des produits d'occasion.
Madame la secrétaire d'État, au regard de ces implications, à la fois économiques et environnementales, la redevance pour copie privée sur les produits d'occasion reconditionnés est-elle vraiment pertinente ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Je vous remercie, monsieur le sénateur Gold, de souligner l'importance de la filière du reconditionnement. C'est en effet pour moi l'exemple même de ce que nous voulons faire en matière de croissance verte, c'est-à-dire une croissance fondée non seulement sur la baisse de notre empreinte carbone, mais aussi sur un emploi de proximité.
Le Parlement examinera bientôt, vous le savez, le projet de loi « climat et résilience », dont plusieurs dispositions vont précisément venir encourager les acteurs de cette croissance verte, que ce soit dans l'alimentation, le bâtiment ou, bien sûr, la réparation, avec l'obligation de mise à disposition de pièces détachées.
Dans ces conditions, je ne puis que vous confirmer le plein soutien du Gouvernement à ce secteur du reconditionnement. Quelques start-up françaises s'y affirment de plus en plus, et il faut, je crois, s'en féliciter, parce que cela montre que l'économie circulaire est un vrai marché pourvoyeur d'emplois.
Cependant, je tiens tout de même à rappeler que le reconditionnement permet de faire travailler bon nombre d'entreprises de l'ESS, notamment des entreprises d'insertion, qui sont d'ailleurs souvent sollicitées par ces nouvelles plateformes.
L'enjeu est de taille, comme vous l'avez rappelé. L'électronique reconditionnée pourrait créer dans les années qui viennent plus de 20 000 emplois, sachant que, pour chaque téléphone reconditionné, c'est l'équivalent de 30 kilogrammes de CO2 évités.
À l'heure actuelle, je crois que le débat est essentiellement juridique. Il s'agit en réalité de savoir si un portable reconditionné est mis sur le marché ou remis sur le marché, ce qui est le premier déterminant de la redevance « copie privée ».
C'est la question qu'il faudra trancher et sur laquelle les réflexions, à cette heure, sont encore en cours. Mon cabinet suit évidemment cela de très près. J'ai aussi, bien évidemment, mon opinion personnelle, mais vous comprendrez aisément, au risque de finir par une pirouette, qu'en tant que secrétaire d'État à l'économie sociale et solidaire je me devrai d'être solidaire de la position qu'adoptera finalement le Gouvernement sur cette question, dont je maintiens qu'elle est essentielle.