M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à saluer la tenue de ce débat instauré par la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, adoptée à la fin de l'année dernière.
Cette nouvelle loi organique contribue à la difficile tâche de moderniser le cadre des lois de finances. Certains avaient même envisagé la création d'une loi spécifique relative aux finances locales, sur le modèle de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous nous contentons aujourd'hui d'un débat, mais les enjeux politiques des finances locales, conjugués à une technicité de plus en plus complexe, rendent sans doute inévitable à terme la discussion d'un texte budgétaire spécifique.
Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances locales est éclairant, en particulier sur les comparaisons internationales. Les finances locales ne représentent en France que 20 % de la dépense publique, soit un niveau inférieur à la moyenne des pays européens, où les dépenses des collectivités locales représentent plutôt 40 % de la dépense publique.
Certes, les modèles étatiques et les périmètres de compétences sont différents. Néanmoins, ces comparaisons permettent de remettre les choses en perspective : les collectivités se voient toujours reprocher un manque de rigueur budgétaire alors qu'elles sont les seules à présenter chaque année un solde à l'équilibre. Si les collectivités représentent un cinquième de la dépense publique, elles ne contribuent quasiment pas au déficit public.
Au-delà de ces considérations d'ordre général, la situation financière des collectivités est évidemment très diverse. Globalement, voire paradoxalement, les collectivités sont sorties de la crise sanitaire avec des finances plus saines qu'avant la crise, grâce aux économies qui ont été réalisées et aux aides accordées par le Gouvernement. Toutefois, cela cache des situations individuelles très contrastées. Je concentrerai mon propos sur les finances communales et celles des départements.
Le bloc communal a été le plus affecté par les dernières réformes de la fiscalité : suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et bientôt suppression complète de la CVAE. S'il tire encore aujourd'hui les deux tiers de ses ressources de la fiscalité locale, celle-ci tend à être remplacée par le transfert d'impôts nationaux. La question qui se pose aujourd'hui est donc bien entendu celle de l'autonomie financière, alors que la différenciation territoriale devient un enjeu politique majeur.
Cette question concerne aussi les départements. Davantage financés par des impôts nationaux et des dotations, ils font face à une montée en puissance de leurs interventions dans le domaine social. Je pense en particulier aux départements ruraux, qui sont souvent en déprise démographique et appelés à accompagner le vieillissement de la population avec des ressources fiscales propres assez peu dynamiques. Bien sûr, la solidarité nationale doit jouer grâce aux transferts d'impôts nationaux, mais là aussi se pose la question de la soutenabilité d'un modèle de décentralisation où l'on accepte de différencier, voire de donner à terme un pouvoir réglementaire d'adaptation, mais sans véritable autonomie financière correspondant à l'autonomie de décision.
Face au retour de l'inflation, le Gouvernement a pris en loi de finances rectificative des mesures qui ont aidé les collectivités à faire face, et que je salue. Une enveloppe supplémentaire de 430 millions d'euros a ainsi été prévue afin de compenser la hausse des prix énergétiques et la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires.
Néanmoins, je ne vous apprends pas l'inquiétude des élus pour 2023, madame la ministre. C'est pourquoi ils souhaitent que ce soutien soit pérennisé en loi de finances. Les amendements adoptés en commission à l'Assemblée nationale la semaine dernière semblent confirmer cette pérennisation, ce dont je me réjouis.
Mon groupe soutiendra, dans tous les cas, les mesures visant à donner aux collectivités les moyens correspondant à leurs missions, ces dernières étant indispensables à notre cohésion sociale.
Quoi qu'il en soit, la principale mesure du projet de loi de finances pour 2023 est bien évidemment la suppression en deux ans de la part restante de CVAE. La compensation par le versement d'une fraction de TVA est annoncée « à l'euro près, pérenne et dynamique ». Nous vous prenons au mot, madame la ministre, et nous veillerons au respect de cet engagement dans le temps.
En matière de dotations de l'État, le Gouvernement poursuit la politique du précédent quinquennat, marquée par une grande stabilité. La dotation globale de fonctionnement reste comprise entre 26 et 27 milliards d'euros, malgré l'inflation. Les montants des dotations de péréquation comme la DSU et la DSR seront revalorisés dans les mêmes proportions que les années précédentes.
En l'état actuel des débats sur le projet de loi de finances, et dans l'attente de la mise en œuvre de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, il reste difficile d'entrevoir l'architecture financière qui sera finalement retenue pour les collectivités. Des incertitudes demeurent, comme l'illustrent les débats chaotiques sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Au vu du contexte économique et social que connaît notre pays, les collectivités territoriales, comme nos concitoyens, ont besoin de clarté, de prévisibilité et de sérieux. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)