L'acte I de la décentralisation a fait évoluer le rôle du préfet dans nos territoires, puisque nous sommes passés d'une situation de quasi-tutelle à un partenariat. L'État ayant connu de nouvelles organisations territoriales, il était nécessaire d'adapter le rôle des préfets dans nos collectivités.
La modernisation de la gestion des administrations publiques est venue accroître le sentiment que le préfet était un acteur local comme les autres et qu'il peinait souvent à coordonner les actions territoriales des services de l'État. Cela n'est pas forcément vrai partout, en particulier dans les petites collectivités, comme celle que j'ai l'honneur de représenter. Dans mon territoire, contrairement aux propos de mes collègues, le préfet a à la fois un rôle central dans le pilotage de l'action de l'État et un rôle de partenaire.
Malgré tout, le travers possible d'un tel positionnement est la tentation d'interférer dans la gestion des affaires locales. Au titre du principe de la libre administration des collectivités, il me semble inconcevable qu'un préfet puisse se prononcer publiquement sur le choix qu'une collectivité doit effectuer dans un dossier relevant de sa compétence exclusive.
Or notre préfet s'est exprimé tout récemment sur une problématique liée à la submersion marine d'une route territoriale en déclarant en substance : « Il vaut mieux s'occuper de la route, et pas forcément goudronner la piste ; on verra ça plus tard. » Il est donc devenu juge de l'opportunité politique !
Monsieur le ministre, le préfet et moi ayant visiblement une lecture différente de la Constitution, pouvez-vous me préciser, à l'aune de cet exemple, les règles qui garantissent le respect du principe de libre administration sur nos territoires ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER. – Mme Brigitte Lherbier applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le sénateur Artano, je ne peux pas me prononcer sur un échange entre vous et le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon que je ne connais pas.
Je souligne simplement que le Gouvernement est très attaché au principe de libre administration. Comme j'ai eu l'occasion de le rappeler précédemment, il est tout aussi attaché à sa propre liberté d'action et à la mise en œuvre des actions publiques qui sont la traduction de ses orientations et priorités politiques. Dans la perspective de l'attribution et de la sélection des projets, nous adressons un certain nombre d'instructions et d'orientations à l'ensemble des préfets de France. Ceux-ci les mettent en œuvre dans le cadre des compétences qui sont les leurs.
Je note que, dans votre territoire, le préfet travaille en lien avec les élus locaux pour mobiliser les 2,3 millions d'euros de crédits votés en 2020 au titre du soutien à la relance. Près de 600 000 euros ont été versés à la collectivité territoriale, le reste de l'enveloppe ayant été réparti entre les communes. En outre, 500 000 euros supplémentaires ont été engagés pour la modernisation de l'abattoir. Il s'agit donc de s'en tenir à des projets structurants.
Tout se passe, me semble-t-il, en bonne intelligence. Toutefois, si des difficultés apparaissaient, je les examinerais, au besoin avec mon collègue ministre de l'intérieur.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano, pour la réplique.
M. Stéphane Artano. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. À mon sens, quand chacun reste à sa place, il n'y a pas de confusion. C'est vrai aussi en matière de relance.
Or, quand un préfet interfère sur un dossier dans lequel l'État met zéro financement, il n'est, je le crois, plus à sa place. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Michel Canevet. Très bien !