M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le dépôt d’une motion tendant à soumettre au référendum le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 pose deux questions : faut-il un débat et faut-il une réforme ?
Faut-il un débat ? Pour mon groupe, la réponse est oui !
Nous savons combien la Constitution donne les moyens de faire passer un texte si le Gouvernement est déterminé à le faire. En l’espèce, hier après-midi, par la double voix des ministres présents au banc du Gouvernement, nous avons bien entendu que le compromis était souhaitable, mais aussi que la réforme était incontournable.
Les regards sont braqués sur le Sénat, assemblée, faut-il le démontrer, bien souvent sage. Quel que soit le style qui sera le nôtre, espérons qu’il soit au moins empreint de respect, car ce que nous avons vu à l’Assemblée nationale a choqué nombre de nos concitoyens.
Depuis des semaines, de nombreux groupes ont sans aucun doute beaucoup travaillé en amont de l’examen du texte pour tenter d’améliorer cette réforme des retraites.
Nous, membres du groupe RDSE, avons écouté syndicats et experts. La commission des affaires sociales a pris toute sa part de cette réflexion. Les sénateurs ont déposé plusieurs milliers d’amendements – certains groupes politiques par centaines – que notre administration a enregistrés jour et nuit.
Le renforcement des droits du Parlement est un combat que le Sénat a toujours mené à l’occasion de chacune des réformes constitutionnelles. Ne nous privons pas de ce droit d’examiner un texte fondamental, quand bien même il ne fait pas l’unanimité.
C’est le principe de base de notre démocratie : débattre. C’est aussi le principe du bicamérisme : améliorer pour avancer.
Mes chers collègues, doit-on prendre le risque de reculer devant les nécessaires mesures de retour à l’équilibre financier de notre système de retraite ?
Car, oui, le temps de la réforme est venu. Hier, les chiffres ont été rappelés par les rapporteurs : le système sera déficitaire à hauteur de 1,8 milliard d’euros dès 2023. Le déficit pourrait atteindre plus de 13 milliards d’euros en 2030.
La raison en est simple : notre système de retraite est solidaire, au point qu’il ne supporte pas l’allongement de l’espérance de vie. Il a le défaut de sa qualité : la solidarité intergénérationnelle qui est au cœur de notre pacte républicain. J’ajoute que le système par répartition est au cœur du pacte social.
Donc, oui, il faut mettre en œuvre une réforme rapidement, mais, bien entendu, pas à n’importe quel prix. Mon collègue Henri Cabanel l’a rappelé hier au cours de la discussion générale.
Le groupe RDSE a longtemps défendu une réforme systémique pour une retraite à points. Sans rancune face à l’abandon de ce projet un temps évoqué par le Président de la République, mon groupe ne rejette pas en bloc votre projet, monsieur le ministre, puisqu’au fond il ne fait qu’accélérer la réforme Touraine.
Néanmoins, si nous sommes ouverts au compromis, nous avons des attentes : les carrières longues, la revalorisation des droits des femmes, la compensation de l’engagement civique, la pénibilité et l’emploi des seniors, bien entendu.
Disons-le aussi, la participation des entreprises ayant engrangé des dividendes significatifs en pleine crise du pouvoir d’achat ne doit pas être écartée. Les montants distribués aux actionnaires revêtent une forme d’indécence quand on les confronte au besoin de financement de notre système de retraite. Une réforme acceptable et acceptée par tous doit reposer sur l’équité. C’est dans ce sens qu’il nous faut travailler ici, et c’est aussi pourquoi il nous faut entendre toutes les sensibilités et, bien sûr, écouter nos concitoyens qui s’inquiètent.
Mes chers collègues, parce que le Sénat doit jouer son rôle, le RDSE préfère le débat. Aussi, la grande majorité d’entre nous ne votera pas cette motion référendaire. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)