Mme le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec un sentiment d'inachevé que le groupe RDSE s'exprime en nouvelle lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour ceux qui s'y intéressent, le PLFSS est, chaque année, un moment fort du calendrier législatif de notre assemblée. Cette fois, plus que les autres, il marque nos débats par son emprise directe avec la crise sanitaire et économique que nous vivons. Notre groupe attendait donc davantage de la discussion parlementaire qu'une situation de blocage entre les deux chambres qui constituent le socle de notre modèle démocratique.
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
Mme Véronique Guillotin. Dans quelques minutes, en effet, le rapporteur général de la commission des affaires sociales nous présentera une motion tendant à opposer la question préalable, motion, qui, si elle est adoptée, marquera la fin de nos travaux sur ce texte.
Pourtant, nous sommes convaincus qu'un consensus pouvait, aurait pu être trouvé avec les députés.
Quelques sujets nous rassemblent : pas moins de 42 articles ont été adoptés conformes par les deux assemblées en première lecture. Parmi eux figurent les mesures relatives à l'activité partielle des entreprises touchées par la crise, la revalorisation des carrières, et ce n'est pas un vain mot, des personnels des hôpitaux, la création de la nouvelle branche autonomie, et, bien sûr, l'allongement du congé paternité à vingt-huit jours, dont sept obligatoires. Sur ce sujet, c'est bien le débat qui nous a permis d'aboutir à un vote conforme à la quasi-unanimité, et ce n'était pas gagné au vu des réticences au sein de notre hémicycle. Et pourtant, nous pouvons nous en réjouir, et même en être fiers. La presse titrait déjà sur la résistance des « papys et mamies du Sénat »… Nous avons montré que, loin de ces caricatures, le Sénat est prêt à accompagner l'évolution d'une société dans laquelle les pères souhaitent prendre toute leur place à côté de leur enfant.
Enfin, certaines modifications opérées au Sénat ont été conservées par l'Assemblée nationale. Parmi celles-ci, je note particulièrement l'allègement des cotisations et contributions sociales pour les employeurs et travailleurs indépendants touchés par la crise, les dispositions relatives à la pratique sportive en entreprise, auxquelles nous tenions beaucoup, et la possibilité pour les maisons de naissance, par exemple, de réaliser des missions de prévention et de constituer des lieux de stages.
Néanmoins, force est de constater que de profonds désaccords ont subsisté, et qu'ils n'ont pas permis aux rapporteurs de l'Assemblée et du Sénat d'aboutir à un texte commun lors de la commission mixte paritaire.
Les mesures relatives aux retraites ont cristallisé les oppositions.
Mon groupe s'est exprimé clairement sur ce sujet lors de la première lecture : ces amendements n'avaient, selon nous, pas leur place dans ce texte. Si cette réforme doit prochainement aboutir, et nous partageons le constat de cette exigence, elle mérite une concertation et un débat approfondis, dans le cadre d'un projet de loi qui lui sera dédié, même si, pour l'instant, cette réforme peine à aboutir.
Sur d'autres points, nous regrettons le rejet par l'Assemblée nationale de propositions que nous jugeons nécessaires, et que nous aurions souhaité voir inscrites dans le texte final. Je pense, par exemple, au stock de quatre mois minimum pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Le Gouvernement souhaite deux mois maximum et appelle au réalisme, mais permettez-moi de rappeler ce qu'est la réalité : 45 % des personnes confrontées à des pénuries de médicaments ont été contraintes de reporter leur traitement, de le modifier, voire d'y renoncer. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. Bernard Jomier. Bravo !
Mme Véronique Guillotin. Et ces pénuries ne font que s'aggraver : 3 200 médicaments à intérêt thérapeutique majeur manquaient en 2020, alors qu'ils n'étaient que 40 en 2008 ! Notre rapport sur le sujet, publié voilà déjà deux ans, appelait à des réponses rapides et ambitieuses. Nous persistons donc naturellement dans cette voie.
D'autres trop nombreux apports retoqués ont été rappelés par le rapporteur général.
Compte tenu des blocages qui persistent et du vote à venir d'une motion de rejet, nous ne pouvons espérer voir émerger un consensus sur ce texte.
Victor Hugo disait : « La France gouvernée par une assemblée unique, c'est-à-dire l'océan gouverné par l'ouragan. » Le bicamérisme garantit l'existence d'une authentique discussion législative, qui privilégie l'esprit de sagesse et concourt à la qualité de la loi. Attaché à ces valeurs, le groupe RDSE aurait souhaité voir les débats se poursuivre et votera donc contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et UC.)
M. Bernard Jomier. Très bonne intervention !