M. André Guiol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les accords de Matignon en 1988, puis l'accord de Nouméa en 1998, ont permis de ramener la paix sur l'île.
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Aujourd'hui, nous avons l'occasion d'écrire un nouveau chapitre institutionnel et politique, à condition de ne pas renier l'esprit de consensus trouvé voilà maintenant plusieurs décennies.
Ces accords ont ouvert la possibilité de ne faire voter, pour certaines élections, que ceux qui pouvaient justifier d'une résidence continue pendant au moins dix ans avant 1998. En d'autres termes, ces accords ont restreint l'accès au suffrage d'une partie des Calédoniens pour préserver la paix.
Une restriction unique du droit français, constitutionnalisée par les « dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » du titre XIII de la Constitution. Les circonstances de l'époque avaient prouvé qu'il était acceptable de ne « donner la parole » qu'à une partie de la population présente sur l'île depuis plus longtemps.
Le texte que nous examinons prévoit le dégel d'une partie du corps électoral à défaut d'un accord trouvé avant le 1er juillet 2024. Cette situation permettra à 25 000 Calédoniens de participer aux prochains scrutins locaux dès le mois de décembre prochain.
Comme l'a rappelé le rapporteur, après la période du 1er juillet 2024, les citoyens installés continuellement sur l'archipel depuis 2014 pourront voter aux prochaines élections locales.
Les membres du groupe RDSE saluent l'équilibre démocratique visé, mais aussi expriment leurs vives inquiétudes à l'égard de la préservation des acquis politiques depuis les accords de Matignon et l'accord de Nouméa. Nous le savons, l'inscription d'une partie des citoyens sur une liste spéciale revient à reconnaître l'existence d'une citoyenneté néo-calédonienne.
Au moment des accords de Nouméa, ce principe représentait la pierre angulaire des accords entre loyalistes et indépendantistes. Il s'agissait de reconnaître la spécificité de ce territoire, son histoire et la représentativité de son peuple premier. C'est d'ailleurs une exigence des Nations unies.
D'un côté, les indépendantistes accueillaient les Européens avec un « statut de résident ». De l'autre, les loyalistes acceptaient que seuls les résidents installés depuis bien plus longtemps accèdent à certains scrutins. Aussi ne faudrait-il pas que ce dégel apparaisse, aux yeux des indépendantistes, comme une victoire des loyalistes. Une telle situation pourrait replonger l'archipel dans un long cycle de violence.
Outre ces considérations politiques, il ne faut pas s'habituer à ce que de telles entorses démocratiques perdurent.
En 2005, la Cour européenne des droits de l'homme a toléré le gel d'une partie du corps électoral de Nouvelle-Calédonie, parce que celui-ci était transitoire et tourné vers l'objectif de l'autodétermination. Ce processus est-il aujourd'hui en passe d'aboutir ?
Nous craignons que la situation de statu quo en vigueur depuis l'accord de Nouméa ne soit fortement compromise, si des garanties juridiques et politiques ne sont pas prévues.
Au-delà du contexte, nous sommes attachés à ce qu'un dialogue impartial, loyal et intransigeant demeure entre toutes les parties.
Par ailleurs, l'avenir de l'archipel ne doit pas se faire sans la mise en place d'une coopération renforcée avec le Caillou dans les secteurs économique, énergétique et social. Il ne doit pas non plus s'opérer au détriment de la stabilité régionale.
L'autodétermination est une très grande inconnue dans l'équation géopolitique de l'Indopacifique, dont je rappelle que le plus gros problème est la politique impérialiste du gouvernement chinois. (M. le ministre acquiesce.)
Pour toutes ces raisons, nous attendons beaucoup du débat qui s'offre à nous. Pour le moment, ce que nous souhaitons par-dessus tout, je le répète, c'est l'assurance de garanties permettant de préserver l'archipel d'une nouvelle crise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Marc applaudit également.)