M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme nombre de mes collègues, je commencerai par me féliciter de la bonne nouvelle, celle du retour, prévu en 2019, d'un excédent des comptes de la sécurité sociale. De l'ordre de 0,4 milliard d'euros, ce solde positif est pour le moment modeste, mais il intervient après dix-huit années de déficits, ce qui méritait, encore une fois, d'être souligné et même salué.
Cependant, et je répète ce qui a déjà été dit, cet équilibre est encore bien fragile.
On le sait, c'est le dynamisme de la masse salariale qui abonde fortement les recettes, donnant à cette amélioration un caractère surtout conjoncturel, comme l'a d'ailleurs indiqué la Cour des comptes. Si l'on regarde du côté des dépenses, au sein du périmètre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, elles ont encore augmenté de 3,7 % en 2018.
Aussi, à l'évidence, pour consolider le retour à l'équilibre, nous n'avons pas d'autre choix que celui de maîtriser davantage les dépenses, ce que prévoit le projet de loi en fixant leur augmentation à 2,1 %.
Cependant, cette entreprise de désendettement, aussi nécessaire soit-elle, doit conserver deux principes cardinaux qui sont au fondement de notre régime de protection sociale : l'équité dans l'effort et le maintien d'un système de soins de qualité accessible à tous.
S'agissant du premier principe, l'équité, vous l'aurez compris, mes chers collègues, il fait écho à l'article 44, limitant à 0,3 % en 2019, ainsi qu'en 2020, la revalorisation des prestations et plafonds de ressources.
Ce dispositif, qui engendrerait une économie de 2,4 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base en 2019, s'ajoute, pour les retraités, à ceux qui sont relatifs à la CSG, un cumul amputant sérieusement leur pouvoir d'achat. Tout cela fait beaucoup pour une même catégorie d'assurés, en particulier pour les plus modestes d'entre eux. Nous sommes nombreux à nous en être émus, et il faut reconnaître que l'aménagement apporté à la CSG par nos collègues députés est bienvenu. Le Sénat pourra peut-être encore infléchir les choses. Madame la ministre, j'espère que le Gouvernement y sera sensible.
J'évoquerai également, très brièvement, le dispositif des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi. Là aussi, peut-on demander au monde agricole d'être une variable d'ajustement du déficit, alors que les agriculteurs font en permanence face à des aléas que les fragilisent ?
J'en viens à ma deuxième grande préoccupation, le maintien d'un accès à des soins de qualité. C'est un souci que vous portez, madame la ministre, dans le cadre du plan « Ma santé 2022 », et on doit reconnaître cet effort.
Nous le savons, l'assurance maladie est encore très déficitaire : le chiffre de 4,9 milliards d'euros de déficit en 2017 montre que ce dernier est structurel et persistant.
Le Gouvernement ambitionne de ramener le déficit à un niveau raisonnable de 0,9 milliard d'euros, tout en proposant des mesures nouvelles. Je pense au fameux reste à charge zéro ou encore aux différents dispositifs de prévention en direction des enfants et des jeunes, qui permettraient d'éviter le renoncement aux soins faute de moyens. Tout cela va dans le bon sens, sous réserve, concernant l'article 33, que les mutuelles n'annulent pas le bénéfice du panier de soins sans reste à charge. Avez-vous des éléments sur ce point, madame la ministre ?
Enfin, garantir un meilleur accès aux soins suppose aussi la préservation d'une offre de qualité sur tout le territoire. Il faut par conséquent trouver un juste équilibre entre le maintien des moyens des hôpitaux et le développement de la médecine de ville.
Or nous savons que l'hôpital est à bout de souffle avec 835 millions d'euros de déficit constaté l'année dernière. Cependant, leurs dépenses attendues pour 2018 se rapprochent de l'objectif assigné. Les hôpitaux, dont les possibilités de rationalisation s'amenuisent d'année en année, souhaitent garder la main sur les réserves prudentielles. Vous le savez, les fédérations hospitalières s'inquiètent d'un éventuel transfert de cette réserve vers la médecine de ville. Comme le suggère la Cour des comptes, il serait souhaitable d'instaurer la même réserve prudentielle pour les soins de ville, afin que tous les acteurs de la santé soient responsabilisés, et ce dans les mêmes conditions.
Mes chers collègues, le Président de la République veut construire « l'État providence du XXIe siècle ». Que celui-ci soit adapté à notre époque et à ses nouveaux défis, c'est incontournable. Pour autant, madame la ministre, sachons garder au cœur de notre régime de protection sociale la plus belle valeur qui le justifie, la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)