M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » apparaît comme l'une des grandes sacrifiées du projet de loi de finances pour 2019.
Par rapport au budget de l'année précédente, la baisse des crédits consacrés à l'action de l'État en faveur du travail et de l'emploi est drastique : perdant 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3 milliards d'euros en crédits de paiement, ces pôles de dépenses respectifs s'élèvent péniblement à 13,4 milliards d'euros et 12,4 milliards d'euros pour l'année 2019.
Malheureusement, ce tournant budgétaire ne résulte pas d'une embellie majeure sur le marché de l'emploi en France. En effet, si l'indicateur de l'INSEE pointe une baisse de 0,5 point du taux de chômage au deuxième trimestre de l'année 2018, ce dernier semble s'être stabilisé à 9,1 % de la population au troisième trimestre, soit plus de 2 730 000 chômeurs, toujours à la recherche d'un travail dans notre pays.
De plus, cet indicateur masque une triste réalité : la précarisation de l'emploi et un 'éloignement toujours plus important des chômeurs les plus fragiles. En effet, si l'on observe une baisse de 1 % du nombre de chômeurs de catégorie A, celle-ci est malheureusement compensée par une augmentation du nombre de demandeurs d'emplois des catégories B et C, qui exercent une activité réduite.
Maîtrise des dépenses publiques oblige, la contribution exigée de la mission « Travail et emploi », et donc, à travers elle, à ses opérateurs, est considérable. Pôle emploi sera la structure la plus touchée, puisqu'elle supporte l'essentiel de la diminution du montant des subventions, avec un effort chiffré à près de 84,7 millions d'euros ! Vous affirmez, madame la ministre, que l'augmentation de la contribution versée par l'UNEDIC et la baisse des effectifs devraient compenser l'impact pour Pôle emploi de ces mesures, mais aucune garantie n'est avancée contre le risque probable d'une dégradation des conditions de travail des agents et donc du service rendu aux demandeurs d'emploi comme aux employeurs.
Concernant les emplois aidés, les prévisions budgétaires annoncent une diminution du nombre d'entrées en contrat de 200 000 en 2018 à 100 000 en 2019. Ce dispositif n'a, certes, pas fait la preuve de sa capacité à favoriser à chaque fois un retour à l'emploi, mais cette diminution de moitié entraînera des difficultés d'organisation majeures pour nos collectivités territoriales et pour les publics les plus isolés.
Dans le même temps, la mission « Travail et emploi » permet de conforter le lancement du grand plan d'investissement dans les compétences, en faveur de la formation et de l'accompagnement de deux millions de jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, afin de les armer pour satisfaire aux nouvelles exigences du monde du travail.
Pourtant, les missions locales chargées de la mise en œuvre de la garantie jeunes verront leur dotation diminuer. C'est incompréhensible ! Il faut opérer un véritable changement d'échelle ! Le combat contre le chômage et la précarisation du travail ne peut être mené exclusivement par l'État ; de nombreuses politiques territoriales sont d'ores et déjà orchestrées dans nos métropoles comme en milieu rural, où les élus locaux agissent sur le terrain en faveur de l'emploi et des compétences. Ce sont des initiatives qui fonctionnent ! Le PIC ne saurait atteindre les objectifs qui lui sont fixés sans ces fers de lance que représente ces plateformes locales d'animation et d'ingénierie, que sont les plans locaux pour l'insertion et l'emploi – les PLIE – et les maisons de l'emploi, les MDE. Vous devez prendre en compte cette dimension de proximité, qui doit être au cœur des politiques sociales menées en faveur de l'emploi !
C'est pourquoi le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen défend ardemment, aux côtés des rapporteurs spéciaux, l'amendement que ceux-ci ont déposé pour aider au maintien des maisons de l'emploi.
Celles-ci, créées par la loi de 2005 de programmation pour la cohésion sociale, sont de véritables outils d'ancrage territorial qui ont démontré toute leur pertinence en matière de plan de formation, d'analyse des besoins des entreprises et de gestion prévisionnelle territorialisée des emplois et des compétences, ainsi que de nombreux rapports d'évaluation en témoignent. Lieux reconnus d'ingénierie territoriale et de construction collective de l'emploi, les 106 maisons de l'emploi réparties sur le territoire français sont portées par plus de 15 000 communes et plus 1 500 000 entreprises.
Elles permettent également l'application de la clause sociale, ou clause d'insertion et contribuent ainsi à renforcer les outils de lutte contre les discriminations et d'aide à la mobilité, à favoriser l'émergence de nouvelles filières – numérique, bâtiment, développement durable –, et à soutenir l'économie sociale et solidaire ainsi que la politique de la ville. Grâce à la clause d'insertion, 72 % des personnes les plus éloignées de l'emploi qui sont embauchées obtiennent un CDI après dix-huit mois de contrat ! Qui dit mieux ?
Pourtant, alors que 82 millions d'euros étaient affectés par l'État aux maisons de l'emploi en 2010, ce chiffre tombe à 5 millions d'euros pour 2019, laissant les collectivités assumer quasiment seules le dispositif. Ce n'est pas acceptable !
Je remercie le Sénat de se mobiliser à nouveau, aujourd'hui, pour garantir le maintien de ces structures par la création d'un programme ad hoc au sein de la mission « Travail et emploi », doté de 10 millions d'euros – c'est un minimum – en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
En conclusion, la grande majorité des membres du groupe du RDSE votera, avec la commission des finances, l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement de ses rapporteurs spéciaux relatif aux maisons de l'emploi.