M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit encore cette année dans une trajectoire de maintien du déficit public sous la barre des 3 %, conformément à notre engagement européen. Constaté à 2,7 % en 2017, attendu à 2,6 % en 2018 et espéré à 2,8 % pour l’année prochaine, avec un tel taux, tant bien que mal, la France reste dans les clous.
La procédure pour déficit excessif a été levée, mais elle demeure comme une épée de Damoclès si le scénario de croissance le plus défavorable venait à faire basculer notre déficit à 3,2 %.
C’est un scénario qu’on ne peut pas exclure compte tenu du contexte international, qui génère, vous serez d’accord avec moi, quelques incertitudes.
Notre collègue rapporteur de la commission l’a souligné : l’hypothèse de croissance à 1,7 % est bien fragile, sous l’effet notamment de la remontée des prix du pétrole, des menaces de guerre commerciale régulièrement brandies par le dirigeant américain, ou encore du Brexit, dont on ne mesure pas encore l’impact sur l’économie européenne.
En attendant, la crédibilité budgétaire de notre pays doit être consolidée. Le Gouvernement, c’est vrai, s’y emploie, sous la pression de la Commission européenne, mais aussi du Haut Conseil des finances publiques, qui exerce un rôle de vigie bienvenu, pour ne pas dire bienfaiteur.
Pour autant, les résultats, nonobstant cette volonté de rétablissement d’une trajectoire plus saine de nos finances publiques, ne sont pas encore suffisants. Le déficit augmente l’an prochain, mais il est vrai que le reclassement de la dette de la SNCF au sein des administrations publiques pèse lourd, très lourd.
L’effort de maîtrise des dépenses publiques est quelque peu écorné, puisque celles-ci devraient croître de 0,6 % en volume. Par conséquent, le déficit structurel peine à se résorber.
L’embellie budgétaire dépend trop de la dynamique conjoncturelle. Le déficit structurel, en réalité, est notre vraie faiblesse au regard des règlements européens et il déclasse la France par rapport à nos partenaires, au premier rang desquels figure l’Allemagne, bien entendu.
Il faut toutefois reconnaître que l’exercice n’est pas facile, d’autant que l’on ne peut pas ignorer le caractère encore prégnant d’un héritage qui, n’ayons pas peur de le dire, est à mettre au compte de tous les gouvernements qui se sont succédé. En effet, comment, mes chers collègues, faire table rase de quarante-cinq années de budgets déficitaires ? Dans ces conditions, la dette de la France sera de 98,7 % du PIB pour l’année prochaine, un niveau très élevé.
Au sein de la difficile équation entre baisse des dépenses et coup de pouce à l’activité, le Gouvernement a fixé des priorités, dont certaines, c’est le moins qu’on puisse dire, ne sont pas bien comprises.
Je pense bien sûr à la question des impôts et taxes affectant nos concitoyens, qui a conduit plusieurs milliers d’entre eux à exprimer leur ras-le-bol fiscal dans la rue. C’est préoccupant, car le consentement à l’impôt – cela a été dit et répété à cette tribune – est au cœur du pacte républicain. On ne peut pas ignorer les récentes mesures en faveur du pouvoir d’achat, que ce soit la suppression des cotisations chômage ou le dégrèvement de la taxe d’habitation. Mais il existe un décalage entre la mise en œuvre des dispositifs et les effets qu’ils produiront à plus ou moins long terme.
L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, vient de rappeler que le revenu disponible des ménages avait baissé en moyenne de 440 euros entre 2008 et 2016. Pour le moment, c’est cette réalité que vivent nos concitoyens et il faudra peut-être réorienter certains dispositifs fiscaux touchant au pouvoir d’achat, avec plus de mesure, comme le propose d’ailleurs la commission des finances.
S’agissant du verdissement de la fiscalité, qui alimente une partie des hausses des carburants, si elle doit s’exercer au nom de la lutte contre le réchauffement climatique, cela ne peut pas être fait avec brutalité, mais aussi sans équité. C’est d’ailleurs ce même souci d’équité, essentiel au principe du consentement à l’impôt, qui pourrait être approfondi au sein du PLF.
Je pense, monsieur le secrétaire d’État, à des mesures de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, par exemple, à celles que plusieurs de mes collègues et moi-même proposons, visant à contrarier les juteuses opérations d’arbitrage de dividendes.
S’agissant d’une autre grande priorité affichée dans ce PLF, celle d’un effort en direction du travail, je dirai quelques mots de la transformation du CICE en baisse de charges.
Pour ma part, j’y souscris, car cela va dans le sens d’un allégement du coût du travail évidemment nécessaire dans ce monde de plus en plus ouvert que nous connaissons. Cependant, je souhaitais souligner l’importance de soutenir plus directement l’industrie, dont le décrochage est alarmant : elle ne représente actuellement plus que 12,4 % du PIB, contre 16,5 % dans les années 2000. Or l’industrie est un puissant vecteur de soutien des bassins d’emploi et de dynamisme des territoires. L’impact de la transformation du CICE sera-t-il à la hauteur pour des secteurs exposés à la concurrence internationale, sachant que le dispositif est centré sur les bas salaires ?
Pour terminer, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais rebondir sur vos propos concernant les chantiers à poursuivre au sein de l’Union européenne. On doit en effet tout mettre en œuvre pour éviter une concurrence intra-européenne qu’alimente un certain dumping social. Aussi, la taxe sur les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – ou l’union des marchés de capitaux sont quelques-uns des outils qui donneront plus de sens à la solidarité européenne : on ne peut pas, d’un côté, imposer des règles budgétaires vertueuses, et, de l’autre, laisser perdurer la non-coordination des politiques fiscales européennes.
Voilà quelques remarques que je souhaitais faire au nom du RDSE sur ce projet de loi de finances, qui, je l’espère, sera enrichi au fil de nos débats. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)