Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Yves Roux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Cohésion des territoires » se caractérise par une forte hétérogénéité de ses programmes. Paradoxalement, le principe même de fongibilité de ce budget ne participe pas tout à fait de cette cohésion tant attendue, dès lors qu'il s'agit, pour amender, d'enlever à la politique de l'aide au logement pour donner au développement rural, et vice versa.
Paradoxalement aussi, le transfert cette année dans la mission « Relation avec les collectivités territoriales » des contrats de ruralité n'ajoute pas forcément à la cohérence et à la lisibilité des dispositifs de soutien aux politiques territoriales telles que les élus les appréhendent au quotidien. Nous pourrions sans doute, monsieur le ministre, gagner en cohérence.
À périmètre constant, l'ensemble de la mission est en baisse de 1,5 milliard d'euros. La mission a fait l'objet de transferts de crédits ; ils concernent notamment le programme Habiter mieux, les pôles de compétitivité et des compensations budgétaires comme la baisse des cotisations au Fonds national d'aide au logement (FNAL).
Le fait saillant de ce budget 2020 est bien entendu la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
Ce contexte général posé, mes chers collègues, vous me permettrez tout d'abord plusieurs remarques et questions sur l'aide au logement, le logement constituant le premier poste de dépenses pour les ménages.
Je salue l'augmentation des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, même s'il faut rappeler qu'en la matière il y a un cap à tenir et un objectif exigeant et humain. La progression des nuitées hôtelières, constatée une fois de plus, n'est satisfaisante pour personne. Aussi, la diminution des nuitées dites sociales, qui sont peu propices à la réinsertion, très coûteuses et sujettes à la spéculation, au profit d'un hébergement de plus longue durée doit être un objectif majeur.
J'en viens à deux questions plus conjoncturelles.
Tout d'abord, alors que la construction de logements est en baisse depuis trois ans et que cette situation suscite une tension sociale, je vous interroge, monsieur le ministre, sur les menaces de ralentissement qui pèsent sur la construction de logements sociaux et intermédiaires en raison du remplacement de la taxe d'habitation par la part départementale de la taxe sur les propriétés bâties. Les élus doivent pouvoir anticiper. Aussi, monsieur le ministre, quelles sont les simulations du ministère en la matière ?
Ensuite, Ronan Dantec et moi-même avons rédigé un rapport sur l'adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050 et chacun sait que notre pays subit les effets du réchauffement climatique, parfois de manière particulièrement dramatique comme dans le Sud-Est. Il convient, à n'en pas douter, de favoriser dès maintenant des modes de construction qui permettront de tenir face à des périodes de canicule répétées, mais aussi, dans les zones inondables, de s'adapter, dans la mesure du possible, à des crues et précipitations destructrices. Là encore, les politiques d'aide au logement doivent intégrer cette priorité.
Mes chers collègues, j'en viens à la nouveauté de ce budget. À ce titre, vous me permettrez de m'attarder sur le sort réservé au programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ». Les crédits de ce programme s'élèvent à 245 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui correspond à une légère augmentation de 1,8 % qui est due, pour l'essentiel, à la création de l'ANCT au 1er janvier 2020.
Je dois vous dire combien nous sommes fiers que cette agence, fruit d'une proposition de loi et de la détermination du groupe du RDSE, voie le jour dans quelques semaines. Vous comprendrez donc aisément que nous serons particulièrement attentifs à ce que sa création s'opère sous les meilleurs auspices et à ce que cette agence soit directement identifiée par les élus locaux, notamment ceux de la ruralité.
Cette année 2020 sera en effet une année d'installation des nouveaux exécutifs municipaux et intercommunaux, mais aussi une année de lancement des programmes d'investissement local.
Il nous paraît opportun que les nouvelles équipes qui vont diriger les exécutifs municipaux puissent avoir à leurs côtés une agence de cohésion des territoires parfaitement opérationnelle, avec des moyens dédiés et surtout la capacité d'ingénierie suffisante qui est nécessaire à l'impulsion des nouveaux projets. Il faut rappeler que, durant la première année, les investissements sont traditionnellement plus faibles ; il convient de leur donner toutes les chances de réussir.
Nous souhaitons donc veiller, dès maintenant, à ce que les élus des petites communes soient directement et immédiatement bénéficiaires de cette nouvelle agence. Une campagne d'information aux nouveaux élus nous paraîtrait adaptée.
Concernant les moyens consacrés à ces objectifs, le premier budget de l'ANCT est abondé par une subvention de 49,7 millions d'euros, dont 10 millions d'euros pour le soutien en ingénierie à destination des collectivités. L'agence disposera de 331 postes en équivalent temps plein en 2020.
Même si les recettes commerciales de l'Epareca, qui intègre l'agence, compléteront également le dispositif financier, nous ne pensons pas que la subvention initiale prévue sera suffisante.
Il faut en effet rappeler que 2020 correspond aussi à l'objectif de garantir un accès au bon haut débit pour tous, pour lequel l'ANCT via l'intégration de l'Agence du numérique sera bien utile. 2020 verra également la naissance, dans chaque canton, de maisons France services. 2020 coïncide aussi avec la fin du programme européen Leader, l'instruction des dossiers devrait donc s'intensifier.
Enfin, l'ANCT sera chargée de la mise en œuvre des contrats de cohésion territoriale : dans une logique de différenciation selon les territoires, onze pactes de développement territorial ont été signés en 2019, ils associent l'État, les collectivités, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'ANAH, l'ANRU, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), ainsi que des acteurs économiques et sociaux.
C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE a déposé des amendements permettant d'augmenter dès maintenant les crédits pour 2020 destinés au lancement de l'ANCT dans un contexte de renouvellement des équipes municipales et d'objectifs à atteindre en matière d'aménagement du territoire. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous accorderez à ces amendements une attention bienveillante, comme à tous ceux que nous présenterons pour soutenir les projets des nouvelles équipes municipales. Nos élus méritent, mes chers collègues, d'être pleinement soutenus par l'ANCT et ce, dès le début de leur mandat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)