M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, treize de nos soldats viennent de payer de leur vie leur engagement au service de la France. Comme tous les Français, je m'associe à l'hommage rendu à ces hommes, dont la disparation touche la communauté nationale.
Ces disparitions ont rappelé, ô combien cruellement, les dangers et les risques de l'engagement de nos forces militaires sur les théâtres extérieurs, dans une lutte de chaque instant contre le terrorisme.
Comme vous, j'ai entendu les voix discordantes de bonnes âmes qui s'interrogent sur la présence de la France au Mali. J'ose le dire aujourd'hui fermement : elles ne sont pas les bienvenues !
La France ne se bat pas simplement pour le Mali ; elle se bat pour la sécurité d'une région entière et, au-delà, pour celle de notre pays et de l'Europe. J'entends être clair : ce serait une étrange manière de lutter contre le terrorisme de vouloir aujourd'hui se retirer de ce territoire et d'offrir ainsi une base aux terroristes !
La sécurité des Français et des Européens, ce n'est pas de la poudre de perlimpinpin…
S'il me paraît difficile de remettre en cause l'opportunité stratégique de l'opération Barkhane, pour autant, la question d'une coordination européenne de la lutte contre le djihadisme en Afrique est plus que jamais d'actualité.
C'est pourquoi, aujourd'hui, je souhaite mettre deux axes en exergue.
En premier lieu, il est nécessaire d'amener enfin les pays européens à s'engager à nos côtés, pour notre sécurité commune.
Nous entendons, de-ci de-là, bien des commentaires sur notre isolement au Mali. C'est, osons le dire, faire peu de cas des opérations de formation de l'armée malienne menées par l'Union européenne depuis 2013, ou encore du soutien américain en termes de renseignement grâce aux drones Reaper.
Reconnaissons néanmoins que, dans les opérations de combat, la France reste, hélas, le seul pays occidental qui se retrouve véritablement sur le terrain.
Aussi, madame la ministre, nous vous encourageons à accentuer vos efforts pour bâtir une coalition des forces spéciales européennes.
En second lieu, pour coller à la discussion budgétaire qui nous réunit, il convient de s'interroger sur l'adaptation de notre armée sur le plan opérationnel au profil de l'ennemi qui nous préoccupe désormais, le combattant menant une guerre « asymétrique ».
Dans ce cadre, et pour l'armée de terre, nous attendons le plan stratégique qui devrait tirer les conséquences de l'évolution de ces interventions. J'ose espérer qu'il nous sera présenté l'année prochaine, conformément au calendrier annoncé !
Ce qui est certain, c'est que face à des organisations armées qui s'adaptent et font preuve d'une agressivité sans cesse renouvelée il faudra sans cesse nous réinventer.
L'intensité des interventions – je pense plus particulièrement aux OPEX – soulève moult questions, et je fais mienne cette formule, datant de 2017, du général François Lecointre, chef d'état-major des armées : « L'armée française avait été une armée de non-emploi pendant toute la guerre froide, elle est devenue une armée d'emploi, elle est même une armée extrêmement employée ». Trop peut-être, au regard des moyens dont elle disposait !
L'effort budgétaire consenti pour la défense doit être à la hauteur des enjeux stratégiques d'aujourd'hui.
C'est chose faite, puisque le budget pour 2020 de la mission « Défense » s'inscrit dans la trajectoire fixée par la dernière loi de programmation militaire, avec 1,7 milliard d'euros de crédits supplémentaires par rapport à 2019.
Je salue la poursuite des commandes et livraisons qui devaient garantir la modernisation de notre armée : les blindés Griffon, très attendus, ou encore le sous-marin Suffren, un exemple d'excellence technologique.
Pour autant, j'ai souhaité reprendre quelques-unes des observations des rapporteurs.
Il s'agit, d'abord, de la baisse de 3,72 % des crédits de paiement d'entretien programmé du matériel, associée à l'état vieillissant des flottes.
Il s'agit, ensuite, de l'A400M, pour lesquels les progrès en termes de disponibilité ne sont pas assez rapides.
Il s'agit, enfin, des inquiétudes récurrentes sur les conditions de vie des militaires, malgré les efforts et l'attention toute particulière, madame la ministre, que vous portez aux familles.
Vous rappelez régulièrement que nous sommes face à un budget à hauteur d'homme, et près de 80 millions d'euros seront affectés au plan Famille, contre 57 millions d'euros en 2019.
Toutefois, ces efforts sont-ils à la hauteur des sacrifices que nous demandons à ces femmes et à ces hommes qui se battent pour nos valeurs, pour la démocratie, pour la France et pour l'Europe ?
Il importe, en ces temps de doute, d'incertitude et d'inquiétude de ne pas relâcher l'effort sur la ressource humaine, qui, en l'occurrence, est le nerf de la guerre !
Si l'actualité démontre parfois avec gravité ce que signifie l'engagement, elle rappelle aussi, avec ces drames, le courage et le dévouement de celles et de ceux qui servent notre pays.
Ces réserves exprimées, madame la ministre, mes chers collègues, et parce que la mission va dans le bon sens, celui d'un accroissement constant des moyens accordés à nos armées, le groupe du RDSE approuve ces crédits pour 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Indépendants.)