La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le programme « Sécurité et éducation routières ». Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2018 est sans précédent sur le front de la sécurité routière. La mortalité a atteint son plus bas niveau historique : il n'y a jamais eu aussi peu de décès sur les routes de France. On a dénombré 3 488 morts en France, départements et collectivités d'outre-mer compris, soit 196 de moins qu'en 2017. Suivant la même trajectoire baissière, l'accidentalité a enregistré une diminution de 3 %. Réjouissons-nous, à travers ces bons chiffres, de toutes les vies sauvées sur nos routes.
Néanmoins, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la fragilité de cette embellie : elle reste à confirmer pour 2019. Certes, les éléments dont nous disposons au 31 octobre dernier laissent entrevoir une année assez stable par rapport à la précédente, mais cette stabilité est difficile à apprécier compte tenu à la fois de la mise en place des 80 kilomètres à l'heure au milieu de l'année 2018 et des détériorations de radars entre l'automne 2018 et la mi-2019.
Tout d'abord, je rappelle que les départements et collectivités d'outre-mer restent particulièrement touchés par la mortalité routière. Malgré d'importants progrès – ainsi, en Guadeloupe, le nombre de tués a été divisé par deux depuis 2012 –, le nombre de décès par million d'habitants y dépasse de 70 % la moyenne métropolitaine : nous ne pouvons nous satisfaire de cette inégalité.
Par ailleurs, quoique dans une moindre mesure, cette disparité s'observe sur le territoire métropolitain : le rapport peut atteindre un à trois suivant les territoires, même si, au cours de l'année passée, l'on observe une baisse dans toutes les régions.
Enfin, à l'échelle de notre continent, la France se situe seulement dans la moyenne des pays de l'Union européenne et plusieurs de nos voisins, comme l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni, affichent de meilleurs résultats : la France dispose donc encore d'une marge de progression.
Le projet de loi de finances attribue à l'abaissement de la vitesse à 80 kilomètres à l'heure un gain de 206 vies. À mon sens, ce chiffre doit être considéré avec beaucoup de prudence ; il convient d'observer dans la durée l'évolution de la mortalité sur le réseau routier départemental. C'est ce que permettra le nouvel indicateur créé à cet effet et intitulé « nombre de tués hors agglomération et hors autoroutes ».
Quant aux crédits du programme 207, « Sécurité et éducation routières », ils augmentent de nouveau légèrement, de 2,3 % par rapport à 2019, pour s'établir à 42,64 millions d'euros.
Ce programme concerne avant tout le permis de conduire, dont les coûts d'organisation représentent plus de la moitié des crédits. La réforme de cet examen, lancée en 2014, devrait connaître un second souffle grâce aux dix mesures annoncées le 2 mai 2019 par le Premier ministre, dont l'objectif est de rendre le permis à point moins cher et plus accessible.
Deux mesures, l'extension de la formation sur simulateur et la conversion facilitée du permis sur boîte automatique, sont déjà entrées en vigueur en juillet 2019. Les autres le seront après la promulgation de la loi d'orientation sur les mobilités.
Par ailleurs, alors que les indicateurs de performance stagnaient, le PLF 2020 a remplacé le délai moyen d'attente par le délai médian, qui devrait mieux refléter la baisse des délais pour la majorité des candidats.
Enfin, l'opération « permis à un euro par jour » m'apparaît surbudgétée depuis son lancement. Plus largement, l'aide au financement du permis de conduire doit certainement être repensée.
S'agissant du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » – le « CAS Radars » –, l'estimation du produit total des amendes de la police de la circulation et du stationnement reste à un niveau élevé, à 1,837 milliard d'euros.
Il s'agit là, à mon sens, d'une estimation optimiste : le montant du produit qui sera réalisé en 2019 est estimé à 1,700 milliard d'euros et devrait se situer très en dessous des prévisions de la loi de finances initiale, qui étaient de 1,867 milliard d'euros, en retrait, donc, d'environ 10 %.
Cela tient notamment au fait que, comme vous le savez, de nombreux radars ont été vandalisés ou neutralisés. Plus de 10 000 dégradations ont ainsi été constatées en 2018 et 7 500 au 1er septembre 2019 ; le taux moyen de disponibilité des radars est passé de 93 % en 2017 à 88 % en 2018, pour s'établir à seulement 75 % en 2019.
Dans ces conditions, l'impact sur les recettes de l'État a été immédiat et s'est répercuté sur les amendes radars, dont le produit sera, en 2020, encore inférieur à son niveau de 2017.
L'objectif de déploiement a, certes, été revu à la baisse, alors qu'il avait déjà pris du retard au cours des années précédentes, passant de 4 700 à 4 400 équipements d'ici à la fin 2020, mais il comptera, en revanche, des équipements plus modernes, et notamment environ 1 200 radars tourelles, contre 400 qui devraient avoir été installés à la fin de 2019, permettant un contrôle plus étendu et moins prévisible.
Sur ce point, le délégué à la sécurité routière nous a confirmé, lors de son audition, la capacité technique des entreprises sous-traitantes à installer 800 nouveaux radars tourelles au cours de l'année 2020.
S'agissant des collectivités locales, je constate que les crédits du programme 754 augmentent sensiblement, d'environ 29 %, en 2020, malgré l'entrée en vigueur de la décentralisation du stationnement payant, qui avait justifié, l'an dernier, leur diminution. Cette hausse s'explique par le dynamisme des amendes forfaitaires majorées et hors radars.
Enfin, j'achèverai mon propos en évoquant sur la complexité de ce compte d'affectation spécial. Alors que les recettes estimées pour 2020 sont supérieures à la réalisation de 2019, avec 1,837 milliard d'euros contre 1,7 milliard d'euros, cette augmentation profiterait en premier lieu au programme de désendettement de l'État, qui s'établit, pour 2020, à près de 32 % des recettes totales, soit 586 millions d'euros sur 1,837 milliard.
Ce mode de ventilation se fait au détriment de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'Afitf, qui ne percevrait plus que 193 millions d'euros en 2020 et qui joue ainsi un rôle de variable d'ajustement. Cette situation est totalement aberrante, dans la mesure où cette agence a pour mission le financement de programmes d'investissement ferroviaires, routiers et fluviaux, qui nécessitent une programmation stabilisée dans la durée.
Le manque de lisibilité et de cohérence de ce système est devenu tellement contre-productif que l'État a présenté, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, un article visant à réaffecter une partie du flux en provenance des amendes forfaitaires radars, initialement destiné à l'État et aux collectivités, vers le budget de l'Afitf.
Je réitère ma préconisation d'une refonte complète de ce CAS – un souhait exprimé à plusieurs reprises par la Cour des comptes –, plutôt que la poursuite de l'apport de correctifs à un système aussi complexe. (M. Alain Richard applaudit.)