M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (M. Éric Gold applaudit.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après plusieurs exercices marqués par l'ombre de la menace terroriste, qui, hélas, n'a pas disparu, ce budget « Sécurités » amorce un retour à la normale, après une adaptation des moyens de nos forces à cette nouvelle donne.
J'en veux pour preuve deux des priorités définies par le directeur général de la police nationale : la police de sécurité du quotidien et la sécurisation d'événements heureux, comme l'organisation de la coupe du monde de rugby en 2023.
Depuis le début du quinquennat, conformément à l'engagement présidentiel, les lois de finances successives ont renforcé la situation financière du ministère de l'intérieur au regard de l'ensemble du budget de l'État. À ce rythme, la promesse de 10 000 renforts supplémentaires devrait être tenue, même si des effets de bords sont difficiles à anticiper, parce qu'ils dépendent de choix individuels – je pense en particulier aux demandes de départ anticipé à la retraite.
Le Gouvernement propose une double réponse à la question des heures supplémentaires, restée en souffrance pendant des années : une enveloppe destinée à stabiliser le flux pour 2020 est prévue dans le projet de loi de finances ; hors projet de loi de finances, un mécanisme de stabilité interministérielle devrait permettre de payer une partie des heures accumulées depuis 2005.
Il est bon que, enfin, l'État règle ses dettes auprès de ceux qui le servent ! L'effort du Gouvernement en ce sens est indéniable et remarquable au regard des exercices pré-attentats.
Il est vrai que cet effort budgétaire accompagne une mobilisation exceptionnelle de nos forces de l'ordre, après leur engagement sans faille à la suite des attentats de 2015.
Personne ne contestera en outre que, depuis un an à présent, l'encadrement du mouvement hebdomadaire des « gilets jaunes » s'est traduit par un investissement humain supplémentaire et a nécessité l'adaptation des techniques de maintien de l'ordre pour permettre à des fonctionnaires de police non formés à l'exercice de s'y intégrer. L'intensité de ces urgences récurrentes est mal vécue sur le terrain et déborde sur la vie familiale des agents mobilisés.
Une désescalade doit intervenir ; au reste, elle commence déjà à se faire sentir. Elle passera notamment par un retour à la normale en termes de dialogue social, par l'intermédiaire des syndicats, mais aussi par des modalités de manifestation plus classiques, comme la mobilisation annoncée pour le 5 décembre prochain.
Pour le reste, le Parlement a récemment adopté une loi renforçant considérablement les moyens de lutte contre les Black Blocks, qui devrait également produire des effets.
Au regard de ces éléments et de l'évolution des indices de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, le budget proposé pour la mission « Sécurités » nous paraît crédible.
Bien sûr, on peut toujours arguer que l'on pourrait faire mieux, avec plus de moyens... Mais, comme l'a souligné Henri Leroy, rapporteur pour avis, l'accélération des recrutements de forces de l'ordre comporte également un risque de recrutement de moindre qualité, qu'il ne faudrait pas prendre à la légère.
Vous le savez, nous sommes très attachés à ce que l'ordre républicain soit incarné par des fonctionnaires. C'est pourquoi nous considérons avec scepticisme les évolutions vers un continuum de sécurité qui s'étendrait aux forces de sécurité privées, évolutions proposées par certains de nos collègues députés. Le continuum de sécurité est un concept plus difficile à appliquer qu'à invoquer – songeons à ce que l'on a pu appeler la guerre des polices. Gardons-nous de soumettre notre sécurité aux lois du marché !
Sur le plan humain toujours, la politique de mobilité des agents du ministère de l'intérieur devrait faire l'objet d'une réflexion particulière, s'agissant de professions particulièrement usantes. Je n'oublie pas que, depuis le début de l'année, plus de cinquante agents se sont donné la mort.
Nous espérons que ces préoccupations trouveront des réponses dans la loi de programmation qui a été annoncée, et que celle-ci permettra d'adapter définitivement l'organisation du temps de travail aux normes européennes. Nous serons d'ailleurs vigilants quant aux conséquences budgétaires de la réduction infligée à la sécurité civile.
Par ailleurs, nous nous satisfaisons que les moyens alloués à la sécurité routière soient préservés, comme notre excellent collègue Jean-Marc Gabouty l'a souligné. Nous estimons en effet que la sécurité routière doit passer par l'éducation et l'amélioration des équipements routiers, avant que l'on envisage des mesures aussi contraignantes et inadaptées que la généralisation du 80 kilomètres par heure – vous savez ce que j'en pense...
Néanmoins, notre regard provincial a parfois buté sur certains choix budgétaires, comme l'investissement consacré au nouveau siège de la direction générale de la sécurité intérieure, qui absorbe presque tous les crédits fonciers de la police nationale.
Pourquoi s'entêter à installer nos administrations dans la région la plus chère de France ? Dans le même esprit, il peut paraître paradoxal d'équiper nos gendarmes de terminaux ultrasophistiqués qu'ils auront sûrement de la peine à utiliser dans les zones blanches de notre territoire... Le droit à la sécurité doit être assuré partout !
Malgré ces quelques observations, notre groupe ne s'opposera pas à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Alain Richard applaudit également.)