M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le 9 juillet 1849, Victor Hugo déclarait : « Détruire la misère ! Oui, cela est possible. Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse, car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli. »
Aussi, je me félicite que le budget pour 2020 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » augmente de 6,7 % par rapport à 2019. Cela représente en effet près de 1,6 milliard d'euros de crédits supplémentaires et un total de 25,5 milliards d'euros en faveur des plus vulnérables et des plus démunis.
Cette hausse est essentiellement due à l'augmentation exponentielle des dépenses de prime d'activité et d'allocation aux adultes handicapés, qui figurent parmi les trois principales dépenses sociales financées par la mission, avec les mesures de protection juridique des majeurs. Elles représentent à elles seules plus de 80 % des crédits de la mission en 2020, soit 20,7 milliards d'euros.
La prime d'activité et l'AAH constituent des acquis sociaux à pérenniser. Aussi, je ne peux que saluer l'augmentation du budget qui leur est alloué. Pour autant, à l'instar des rapporteurs spéciaux, je regrette que cette hausse s'accompagne « de discrets coups de rabot touchant les plus fragiles ».
Enfin, la protection juridique des majeurs est en hausse. Les crédits alloués à cette action s'élèvent à 688,4 millions d'euros, soit une augmentation d'environ 3 % par rapport à 2019 due à l'augmentation continue du nombre de mesures.
Ces crédits financent près de 497 000 mesures de protection – tutelles, curatelles ou sauvegardes de justice –, contre 484 656 en 2019, confiées à des mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Ils financent également l'information et le soutien aux tuteurs familiaux.
On compte aujourd'hui 730 000 majeurs protégés, et ce nombre est voué à augmenter chaque année, car il existe de nombreux territoires – je pense particulièrement à Saint-Martin – où toutes les familles n'ont pas pris l'habitude de saisir le juge des tutelles.
Il est donc indispensable de flécher des crédits sur l'information aux familles, tout en ayant conscience que cela augmentera mécaniquement le nombre de majeurs protégés et donc de crédits engagés par l'État.
En dehors de ces trois grandes dépenses sociales, la mission en intègre d'autres, tout aussi importantes.
Je pense bien sûr à la nouvelle stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté. Récemment, l'Insee fixait le taux de pauvreté pour 2018 à 14,7 % de la population, soit une hausse de 0,6 point par rapport à 2017. Cela porte à 9,3 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Aussi, je salue la montée en charge de cette mission, qui s'appuie sur une approche contractuelle avec les départements, véritables chefs de file en matière d'action sociale dans les territoires.
Par ailleurs, des mesures d'investissement social – petits-déjeuners gratuits à l'école, tarification sociale pour l'accès à la cantine, déploiement des points-conseil budget, etc. – continuent à être financées à hauteur de 44 millions d'euros.
Autre dispositif vital, l'aide alimentaire, qui a bénéficié à 5,5 millions de personnes en 2017. Alors que s'est ouverte, il y a trois jours, la trente-cinquième campagne d'hiver des Restos du cœur, je souhaiterais rendre hommage à l'ensemble des associations et des bénévoles qui œuvrent quotidiennement auprès des plus démunis. L'aide alimentaire offre une aide d'urgence, mais représente surtout le point de contact privilégié pour permettre un accompagnement vers l'autonomie.
Les crédits de l'action sociale s'élèvent à 74,5 millions d'euros, dont plus de la moitié – 40 millions d'euros – sont consacrés à la contribution de la France au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), en complément de la contribution de l'Union européenne, qui s'élève à 75,6 millions d'euros.
Je souscris toutefois aux inquiétudes exprimées par les rapporteurs spéciaux sur la fragilisation du système d'aide alimentaire français en raison des difficultés de gestion liées au FEAD, qui font peser des risques de pertes budgétaires importantes sur la France.
Pour le reste, je relève, comme les rapporteurs, plusieurs points d'incertitude : la montée en charge particulièrement dynamique des dépenses de prime d'activité, qui a occasionné des difficultés de gestion dans les CAF, la mise en œuvre du revenu universel d'activité, dont le périmètre et le financement sont l'objet d'inquiétudes, ou encore la diminution des crédits affectés à la prévention des violences faites aux femmes.
S'agissant de ce dernier point, je m'interroge sur cette baisse, alors que 131 femmes ont été tuées en France depuis le début de l'année par leurs compagnons ou ex-compagnons. Ces chiffres sont terrifiants. Derrière ces statistiques, il y a des prénoms, des histoires, et surtout des vies anéanties.
Lundi dernier, en clôture du Grenelle contre les violences conjugales, le Premier ministre a annoncé 30 nouvelles mesures et la mobilisation de 361 millions d'euros dédiés exclusivement à la lutte contre les violences faites aux femmes. Je forme le vœu que ces mesures permettent une prise de conscience collective et provoquent un électrochoc, pour reprendre le terme employé par le Premier ministre.
En conclusion, malgré les quelques réserves exprimées, le groupe du RDSE salue l'augmentation des crédits de cette mission et les approuvera.