M. le président. La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte de conflictualité élevé que le monde connaît actuellement, le budget de la mission « Défense » invite à la plus grande vigilance quant au maintien de ses moyens.
La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 prenait acte du « retour des puissances » dans les relations internationales. C'est un fait, les ambitions militaires de la Chine, le réveil stratégique de la Russie et les visées conquérantes de la Turquie remettent en cause l'ordre multilatéral, alors même que notre pays est attaché à une régulation des relations internationales avant tout fondée sur le droit. Le ministre des affaires étrangères l'a rappelé ici même, la semaine dernière, à propos du Haut-Karabagh.
Je n'oublie pas, bien sûr, la lutte contre le terrorisme islamiste, qui impose l'adaptation de nos forces armées et de nos services de renseignement face à une menace protéiforme. À cet égard, je salue le courage de nos soldats et leurs derniers succès obtenus dans la bande sahélo-saharienne ; je pense notamment à l'élimination d'un important chef militaire malien appartenant à la branche sahélienne d'Al-Qaïda. Cette avancée s'ajoute à d'autres, qui répondent à mon sens à la question, parfois soulevée, d'un potentiel enlisement de la force Barkhane au Sahel. Comme le disait Winston Churchill, « le succès n'est pas final, l'échec n'est pas fatal : c'est le courage de continuer qui compte ».
Il s'agit pour moi non pas de vanter une posture « va-t'en-guerre », mais de rappeler combien le basculement de pays du continent africain dans le giron terroriste serait coûteux pour les démocraties occidentales, en premier lieu bien sûr pour les populations locales. Quelles guerres se gagnent à travers le prisme du temps court ? Peu, hélas...
Dans ces conditions difficiles, on ne peut que se réjouir de la poursuite, en 2021, d'une montée en charge des moyens budgétaires de la défense, conformément à la trajectoire tracée par la loi de programmation militaire 2019-2025, même si l'effort devrait être plus important à partir de 2023, comme l'ont fait justement remarquer les rapporteurs pour avis. En attendant, les crédits de paiement de la mission augmenteront de 1,7 milliard d'euros, il faut le souligner.
On peut comprendre que le plan de relance n'intéresse pas directement la défense et qu'il soit par conséquent relativement timide pour l'armée. Cependant, en marge de la mission, je m'inquiète de l'état de l'écosystème industriel qui lui est lié. L'industrie aéronautique est en souffrance, alors qu'elle est un fleuron de notre export et représente surtout des milliers d'emplois de PME qui irriguent nos territoires.
Dans le contexte de crise économique qui frappe notre pays, je me réjouis que le ministère ait privilégié une solution nationale pour la commande de 500 missiles air-sol pour les futurs hélicoptères d'attaque. En effet, la version franco-française, le MHT (missile haut de trame) de MBDA serait privilégiée, avec 600 emplois directs à la clef.
En raison de la baisse d'activité liée à la pandémie, nous avons été nombreux, en commission, à nous être inquiétés de la réalisation des objectifs visés par la loi de programmation militaire en matière d'équipement des forces. L'agrégat des crédits « Équipement des forces » augmente cependant de 6,7 % en 2021. C'est une bonne chose, mais les livraisons seront-elles tenues, par exemple au regard de la cible de 128 blindés Griffon qui ne sera pas atteinte cette année ?
Enfin, en tant que sénateur du Var, je pense aussi aux moyens de la marine nationale. Aussi, madame la ministre, je salue les efforts entrepris depuis trois ans en sa faveur. Le nouveau sous-marin Suffren et la réussite de son tir de missile de croisière illustrent la remontée en puissance de la marine et témoignent de l'effort budgétaire de plusieurs années. Il faut cependant éviter la multiplication des ruptures temporaires de capacité qu'on a pu connaître, dans un contexte de tensions politiques et criminelles croissantes en haute mer, lesquelles entraînent un haut niveau d'engagement opérationnel de nos forces navales.
En marge de cette nécessité de donner à notre marine les moyens de ses missions, je me réjouis de la poursuite du plan Famille. Il est fondamental de porter une attention soutenue à la vie quotidienne de nos marins, en retour de l'abnégation que suppose leur vie à bord.
Pour terminer, je profite de cette tribune pour saluer particulièrement le travail de tous les ingénieurs, techniciens et ouvriers de nos arsenaux, qu'ils soient de Brest, de Cherbourg, de Toulon, de Cuers-Pierrefeu et d'ailleurs. Ils exercent tous un travail difficile d'une grande technicité à bord de nos navires et de nos sous-marins, dans des milieux exigus et souvent dans un environnement inconfortable. Je salue les amis Sorbiers, qui se reconnaîtront ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)