M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera les recettes. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Ce n'est pas pour donner un quitus au Gouvernement ni pour approuver la dette colossale qui se creuse.
M. Rachid Temal. Pourquoi, alors ?
M. Jean-Claude Requier. Mais nous souhaitons poursuivre le débat et examiner les dépenses de seconde partie, avant, éventuellement, de voter contre le budget s'il ne nous convient pas.
J'ai entendu dire que ce budget était électoral… C'est vrai ! (Nouvelles exclamations.) Mais, entre nous, mes chers collègues, nous ne sommes pas des perdreaux de l'année. (Rires. – Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Comme le soulignait Roger Karoutchi, des budgets – de gauche, comme de droite –, on en a vu ! D'après mon expérience, jamais une mesure impopulaire n'a été votée à la veille des élections ; c'est reporté, systématiquement, en début de mandat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
D'ailleurs, comme le disait Georges Clemenceau, on ne ment jamais autant qu'avant les élections, pendant la guerre et, monsieur le président, après la chasse. (Rires. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Une coalition de circonstance va donc mettre un terme au débat, formée, d'un côté, par ceux qui sont pour la dépense publique et l'impôt – Éric Bocquet a dit qu'il fallait actionner le levier fiscal afin, en particulier, de taxer les plus riches – et, de l'autre, par ceux qui sont pour la réduction des dépenses, sans que l'on ne sache trop lesquelles encore (Rires sur les travées du groupe RDSE.), et pour l'allégement de l'imposition et des taxes.
La discussion budgétaire, donc, risque d'être arrêtée. Pour notre part, nous sommes favorables à ce qu'elle se poursuive, et ce pour trois raisons.
Première raison, le respect dû à ceux qui ont travaillé sur ce budget : sénateurs, rapporteurs, personnes auditionnées, collaborateurs de groupe. (Mme Patricia Schillinger et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent.) Tout le travail préparatoire qui a été réalisé en amont de cette semaine méritait d'être mis sur la place publique. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Deuxième raison, la possibilité de discuter le budget en séance. La séance publique, c'est le cœur du Sénat, le moment où se prennent les décisions, où l'on peut modifier, amender, modérer, réécrire un texte. Nous parlons ici de notre pouvoir d'amendement et, même si l'on sait très bien que dans un régime de bicamérisme inégal l'Assemblée nationale l'emporte, nous pouvons au moins, au travers de nos amendements, faire remonter les besoins des territoires et les demandes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Troisième raison, la défense du Sénat et du bicamérisme. Comme vous le savez, mes chers collègues, mon groupe y est très attaché.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Pourquoi ? Parce que, chaque fois que nous avons eu dans l'histoire une assemblée unique, nous avons eu un régime autoritaire. Pensez à la Convention, avec la Terreur ; à la Seconde République, avec le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte. Nous sommes donc favorables à l'existence d'une seconde chambre, qui modère et tempère les excès – parfois – ou les précipitations de la première.
Ce n'est pas, je crois, le sens dans lequel nous allons aujourd'hui. Il me semble plutôt que nous nous tirons une balle dans le pied.
M. Daniel Salmon. Ça, c'est un chasseur !
M. Jean-Claude Requier. À quoi sert le Sénat, risquent de se demander un bon nombre de nos compatriotes, puisque le budget sera de toute façon voté ? Et d'en conclure qu'il faut réformer notre chambre, peut-être lui enlever quelques pouvoirs, voire la supprimer…
Voilà pourquoi nous estimions, avec la grande liberté et la diversité qui nous caractérisent, qu'il était plus judicieux de continuer la discussion, et c'est ce que nous appelions de nos vœux au sein du groupe.
Je conclurai l'exposé de ces quelques observations en paraphrasant le slogan du Canard enchaîné sur la liberté de la presse : le bicamérisme ne s'use que quand on ne s'en sert pas ! (Exclamations. – Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, INDEP, UC et Les Républicains.)