M. Éric Gold. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Enseignement scolaire » connaît cette année une forme de rupture, compte tenu de l'ampleur de l'augmentation de son budget.
L'école, creuset républicain cristallisant la convergence des valeurs fondatrices de notre société – l'humanisme, l'universalisme et le progrès – se doit de refléter la maxime : « La fin justifie les moyens. »
Monsieur le ministre, je crois en la sincérité de votre engagement pour la revalorisation de l'enseignement, la réussite de tous les élèves et une école innovante et inclusive luttant contre toutes les inégalités. Vous prolongez la dynamique engagée depuis 2017 en augmentant de manière inédite les crédits de la mission, de l'ordre de 6,5 % par rapport à 2022.
Néanmoins, je ferai quelques observations.
En effet, si ce projet de loi de finances prévoit des crédits significatifs afin d'améliorer la rémunération des enseignants, le retard accumulé était considérable. Il est donc essentiel que ce choc d'attractivité se poursuive. Le métier d'enseignant traverse une crise sans précédent ; les difficultés de recrutement ne sont pas seulement d'ordre financier. Le manque de considération sociale et de soutien hiérarchique, ainsi que des conditions d'exercice dégradées dans certains territoires expliquent la désaffection pour le métier d'enseignants.
Les chiffres ont été rappelés : en 2018, 135 000 candidats se présentaient encore aux concours de la fonction publique de l'éducation nationale. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 90 000. Plus grave encore, les postes n'ont été couverts qu'à 83 % en 2022 par les candidats ayant été admis.
Le recours croissant aux contractuels présente un intérêt en ce qu'il permet de combler un manque et de réadapter progressivement les effectifs aux besoins réels. Cependant, n'est-il pas antinomique de pallier les pénuries d'enseignants en recrutant des contractuels dont les qualifications sont plus que variables, quand, parallèlement, la formation initiale se tourne vers des compétences professionnelles renforcées ?
La revalorisation des rémunérations, qui constitue l'essentiel de la hausse des crédits de la mission, ne doit être que le premier pas vers un objectif plus large de reconnaissance économique et sociale du corps enseignant.
Rappelons que, en 1990, un professeur des écoles débutant touchait 1,8 fois le Smic, contre 1,5 fois aujourd'hui. En fin de carrière, un agrégé de classe exceptionnelle touchait alors 4,6 fois le Smic, contre 3,3 fois actuellement.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Exact !
M. Éric Gold. Notons également que la rémunération d'un professeur des écoles est inférieure au salaire moyen des fonctionnaires civils de catégorie B.
La comparaison avec nos confrères européens est également inquiétante tant le fossé s'est creusé. Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'Union européenne.
M. Michel Savin. C'est vrai !
M. Éric Gold. Dans le contexte inflationniste inédit que nous connaissons, cette revalorisation est souhaitable, mais, au-delà de la conjoncture, elle est bien évidemment une affaire de statut.
Mon autre interrogation concerne les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Le renforcement des crédits alloués à la scolarisation de ces élèves explique une partie de la hausse du programme 230. Les crédits de l'action n° 03, Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, connaissent en effet une hausse de 11,4 %.
Nous faisons face à une augmentation spectaculaire du nombre d'élèves en situation de handicap, qui sont au nombre de 430 000 aujourd'hui, soit deux fois plus qu'il y a dix ans.
Dans ces conditions, la création de 4 000 postes d'AESH constitue un effort substantiel. Cependant, compte tenu des conditions de travail précaires et des faibles rémunérations, de nombreux postes ne sont actuellement pas pourvus. En Seine-Saint-Denis, ce sont ainsi 1 000 emplois qui n'avaient pas trouvé preneur à la rentrée 2022.
Aussi mon groupe examinera-t-il avec bienveillance la proposition de loi de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation, qui sera prochainement soumise au Sénat.
Je relève par ailleurs un problème de cohérence entre la politique des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et les capacités de l'éducation nationale à accueillir et à gérer financièrement ce dispositif.
M. Max Brisson. Exactement !
M. Éric Gold. Espérons que la création de ces postes supplémentaires sera non pas un simple effet d'affichage, mais le point de départ d'une meilleure coopération entre ceux qui prescrivent et ceux qui organisent, ainsi que d'une plus grande considération pour une profession aujourd'hui indispensable.
Enfin, je reviendrai sur la volonté d'anticiper les grandes évolutions démographiques en cours, qui ont des répercussions sur le nombre d'élèves scolarisés en France. Si le taux d'encadrement s'améliore, la France se caractérise toujours par un nombre d'enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré. (Mme Marie-Pierre Monier le confirme.) Dans le contexte tendu que je rappelais, où le nombre de postes à pourvoir n'est pas comblé par les lauréats des concours, le principe de réussite pour tous n'est que trop vacillant.
Nous faisons donc face à un véritable défi : emplir les rangs des professeurs, ce qui passe, je le répète, par la consolidation de leur statut.
Le groupe du RDSE votera néanmoins les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et CRCE. – Mme Samantha Cazebonne applaudit également.)