M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la presse, la télévision, la radio, le livre, la musique, le cinéma sont traversés par la même difficulté : la révolution numérique. Celle-ci a modifié en profondeur les usages de nos concitoyens et affecté le modèle économique de plusieurs grandes entités.
Si l'on ajoute à cela la crise sanitaire, puis aujourd'hui l'inflation, c'est dans un contexte flottant où se mêlent enjeux structurels et conjoncturels que les pouvoirs publics doivent accompagner tous ces secteurs, non sans difficulté.
La tâche est immense : l'absence, à court terme, de réforme de l'audiovisuel public en est peut-être le symptôme. Tôt ou tard, il faudra cependant qu'elle intervienne, d'autant plus vite que la contribution à l'audiovisuel public n'existe plus.
Le groupe RDSE n'est pas nostalgique de cette contribution, mais il partage quelques-uns des grands principes préconisés par le rapport d'information du Sénat sur le financement de l'audiovisuel public : stratégie de regroupement des entreprises de l'audiovisuel public, d'un côté, budgétisation des ressources, de l'autre.
Tout autant que le secteur audiovisuel, la presse écrite, le livre et les industries culturelles ont besoin d'un soutien public fort. Les moyens de la mission, en hausse de 0,6 % en autorisations d'engagement et de 4,4 % en crédits de paiement, seront utilement complétés par le plan d'investissement France 2030.
Cette orientation est indispensable. Comme j'ai pu le dire à propos de la culture lors du débat budgétaire précédent, ces secteurs sont au cœur du projet républicain.
En particulier, au travers du soutien à la presse et à sa distribution, il est question de veiller au pluralisme de l'information, un principe indissociable de la démocratie.
Je partage le constat souvent exprimé ici d'une nécessaire réorientation du système des aides à la presse. Il mérite au minimum d'être mieux corrélé avec ses objectifs de diffusion, de pluralisme et de modernisation.
S'agissant de la distribution, l'élu du Rhône que je suis ne va pas se plaindre que « le brillant second » soit devenu premier, pour reprendre les termes du rapport pour avis de la commission de la culture… Rassurez-vous, mes chers collègues, je ne parle pas de l'OL, mais des Messageries lyonnaises de presse, qui sont passées devant France Messagerie ! (Sourires.)
Cependant, il s'agit de veiller à ce que les deux opérateurs puissent survivre au sein d'un marché structurellement en baisse.
Concernant le versant éditorial de la presse, je me réjouis de la bonne résistance de l'Agence France-Presse (AFP) dans un climat concurrentiel tendu avec les grands acteurs de l'internet. L'AFP délivre une information qualitative, qu'elle conforte grâce à son service remarqué de « vérification des faits ».
La stabilité en 2023 de la subvention versée par l'État, conformément au contrat d'objectifs et de moyens 2019-2023, devrait conforter sa position, même si les défis sont loin d'être épuisés pour l'Agence.
Je souhaitais également évoquer la situation du livre, dont le modèle est lui aussi fragilisé.
Je m'inquiète du blocage entre les éditeurs et les auteurs, qui ne parviennent pas à signer un accord sur une plus juste rémunération des seconds. Faut-il rappeler une évidence au syndicat national de l'édition : sans création, il n'y a pas d'édition !
Quant aux librairies, le soutien qui leur a été apporté durant la pandémie a été essentiel. Elles attendent toutefois un geste concernant le seuil minimal pour les frais de port.
J'en profite pour évoquer le sort de plus en plus incertain des quelque 150 librairies expatriées, qui souffrent davantage encore du problème des frais de port, aggravé par celui des délais de livraison pour leurs clients. Il faut absolument les aider, car elles représentent indiscutablement un levier de la francophonie dans le monde. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis, marque son approbation.)
Enfin, je terminerai par un mot sur le cinéma, durement éprouvé durant la pandémie. Ce secteur inquiète depuis longtemps. Après avoir cité Malraux cet après-midi, je reprendrai les mots prononcés par François Mitterrand devant le parlement européen en 1995 : « Alors que nous célébrons le centenaire du cinéma, l'art le plus populaire du siècle n'a jamais été si menacé dans chacun de nos pays. Il n'a d'ailleurs plus besoin d'être menacé dans un certain nombre de ces pays-là, car il a déjà disparu. »
Depuis cette date, le modèle français résiste. Il faut dire que le CNC accompagne plutôt bien les mutations auxquelles le cinéma doit faire face. Nous devons cependant toujours rester attentifs à l'équilibre à trouver avec les plateformes de streaming, la principale menace.
Une fois encore, travailler au maintien d'une création cinématographique française dynamique, c'est contribuer au rayonnement de notre pays et de notre souveraineté culturelle dans le monde.
Mes chers collègues, dans ce contexte, le RDSE votera les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)