M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur les crédits de la mission « Outre-mer » à l'Assemblée nationale, le 28 octobre dernier, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que la priorité absolue de cette mission était de répondre aux préoccupations du quotidien, en portant une attention particulière aux sujets environnementaux.
Je tiens tout d'abord à vous encourager dans cette volonté de réduire les inégalités entre tous les territoires, une tâche difficile dans un contexte inflationniste marqué par la menace d'une crise énergétique majeure. S'y ajoutent les problématiques sécuritaires, l'immigration, l'insuffisance du pouvoir d'achat aggravée par la vie chère, le chômage de masse ou encore les conséquences de la crise sanitaire. Toutes ces crises rendent le quotidien de nos compatriotes ultramarins souvent insupportable.
Avant de traiter ces différents sujets, je souhaite revenir brièvement sur quelques chiffres. Nous notons une augmentation globale des crédits de 1,15 % en autorisations d'engagement et de 0,69 % en crédits de paiement. Nous vous en donnons acte, mais cette croissance doit être relativisée, car elle est encore insuffisante au regard des besoins réels et des nombreux problèmes que nos territoires ont à affronter. Je sais que vous en êtes pleinement conscient, monsieur le ministre.
Nous ne pouvons examiner les crédits de la mission « Outre-mer » sans aborder des sujets plus larges, comme la question sécuritaire à Mayotte.
Depuis plusieurs jours, une escalade de violence secoue Mamoudzou, où des affrontements entre jeunes de quartiers rivaux ont fait un mort, un homme de 20 ans tué à la machette. À cela s'ajoute l'attaque d'un bus scolaire, sans compter le nombre de blessés qui ne cesse d'augmenter.
Comme l'ont rappelé nos collègues la députée Estelle Youssouffa et le sénateur Thani Mohamed Soilihi, ce phénomène d'extrême violence ne date pas d'hier.
Naturellement, je m'associe aux élus, qui sont démunis, ainsi qu'aux habitants de Mayotte, pour demander au Gouvernement de rétablir l'ordre le plus rapidement possible. Vous revenez d'un déplacement important avec le ministre de l'intérieur et des outre-mer et nous sommes sensibles et attentifs aux annonces qui ont été faites.
N'oublions pas que d'autres collectivités sont concernées par ces questions sécuritaires ou d'immigration incontrôlée. En Guyane et aux Antilles, l'État doit y apporter une réponse efficace pour protéger nos concitoyens et préserver l'attractivité de ces territoires.
J'en viens maintenant à la vie chère, qui ne fait que s'accentuer dans nos territoires. Dans les outre-mer, la situation socio-économique est beaucoup plus fragilisée que dans le reste de la France.
Lors de la rencontre organisée avec les maires ultramarins au Sénat, le 21 novembre dernier, de nombreux élus ont de nouveau sonné l'alerte quant à la dégradation du cadre de vie. Les plus modestes souffrent et sont les premiers touchés par ce fléau de la vie chère, amplifié, ces derniers mois, par la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières.
Par ailleurs, il est inadmissible que nous n'ayons pas partout sur nos territoires accès à l'eau, aux soins ou encore à un logement décent – nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.
Enfin, comment ignorer le désarroi de nos compatriotes ultramarins face à l'explosion des prix des billets d'avion ? Notre délégation va se pencher dans les prochains mois sur le sujet de la continuité territoriale. Nous savons qu'une réflexion est en cours avec Ladom ; vos arbitrages, monsieur le ministre, sont attendus pour le courant du premier trimestre 2023. Il est vraisemblable, d'ailleurs, qu'à l'avenir les moyens financiers et humains de Ladom évoluent en fonction des missions qui lui seront confiées et d'un élargissement de son périmètre, que nous appelons de nos vœux.
Monsieur le ministre, je n'ai pas la prétention d'être le seul porte-parole des outre-mer ; je sais en tout cas que les populations espèrent des réponses fortes à leurs difficultés quotidiennes : plus de justice et une véritable égalité de traitement entre tous les territoires de la République.
Nous devons apporter une solution commune afin de faire face à cette fracture sociale, pour que soit tenue la promesse de fraternité si chère à Aimé Césaire et si centrale dans nos valeurs républicaines. Je vous sais sensible au rôle de l'État en la matière.
Conformément à la tradition du Sénat, vous trouverez ici des partenaires déterminés à réfléchir avec vous en ce sens, dans un climat apaisé et serein. Cela n'a pas toujours été le cas à l'Assemblée nationale, mais le Sénat cultive cette tradition républicaine, sur laquelle je vous encourage à vous appuyer pour faire avancer les dossiers dont vous êtes chargé.
Il nous faut également travailler à améliorer l'exécution des crédits sur nos territoires et à accompagner le développement de l'ingénierie territoriale afin de permettre aux projets de voir le jour.
Lors du Congrès des maires, j'ai rencontré, à l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) comme au Sénat, des élus en plein désarroi, qui n'obtenaient aucune réponse à leur besoin d'ingénierie. Cette situation nous interpelle, d'ailleurs, quant au déploiement en outre-mer de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Mes chers collègues, s'il restera vigilant lors des débats à venir, le groupe RDSE votera en faveur des crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI et sur des travées des groupes GEST, SER, UC et LR.)