M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le volontarisme des politiques culturelles, amorcé par André Malraux au début de la Ve République, s'est manifesté par une augmentation régulière des crédits alloués à la mission « Culture ».
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Cette année ne fait pas exception et nous le saluons. Toutefois, ce budget présente quelques lacunes que nous souhaitons également souligner, car force est de constater que nombre d'acteurs du secteur sont inquiets.
La hausse constante des investissements pour la culture bénéficie en grande partie à l'élargissement de l'offre, sans augmentation de la demande.
Madame la ministre, bien que notre groupe salue l'augmentation substantielle des crédits, nous vous alertons sur la nécessité d'entreprendre une véritable réforme systémique, à même de rééquilibrer cet écart entre l'offre et la demande.
Ce rééquilibrage doit toucher plusieurs secteurs, en particulier ceux qui se remettent difficilement des années covid. Il appelle à une plus grande concertation entre les acteurs.
Ce développement de l'offre doit aussi s'accompagner d'un accès à la culture socialement plus équitable. L'égalité d'accès au savoir culturel est un impératif constitutionnel.
Il nous semble essentiel d'accompagner l'augmentation des crédits alloués au pass Culture par des initiatives culturelles tangibles, en garantissant des avantages à l'ensemble de la population, sans favoriser exclusivement les offres des grandes entités industrielles, ce que nous risquons de provoquer si nous n'adaptons pas les politiques dites du chéquier
Les contraintes budgétaires qui pèsent sur les collectivités locales risquent de mettre en péril le spectacle vivant. En effet, leurs marges de manœuvre se réduisent sous l'effet du tassement des ressources et de l'augmentation des charges liées à l'inflation. En conséquence, 30 % de nos collectivités envisagent de réduire leur budget consacré aux projets culturels.
Dès lors, une question s'impose à tous : que prévoit le projet de loi de finances pour soutenir la représentation artistique ?
Nous saluons les 10 millions d'euros destinés au plan Mieux produire, mieux diffuser, mais nous souhaitons que ces nouveaux crédits puissent justement soutenir les équipements artistiques. Ainsi, les représentants du secteur estiment le besoin des Smac, a minima, à 4 millions d'euros. Que comptez-vous faire, madame la ministre ?
La situation économique actuelle ne devrait, en aucun cas, justifier des réductions budgétaires dans le domaine des subventions artistiques. Dans un tel contexte, cela reviendrait à réduire la lumière, alors que le ciel s'obscurcit.
À cet égard, un message clair doit être envoyé aux collectivités et aux acteurs du spectacle public. La hausse de la trajectoire des emplois, pour la période allant de 2024 à 2027, est un signal encourageant, afin de conduire une politique que nous espérons encore plus ambitieuse.
Dans le droit fil du travail effectué par le Rassemblement Démocratique et Social Européen sur la citoyenneté, la culture doit être pleinement associée à la reconquête de l'esprit citoyen. À notre sens, la politique culturelle doit épouser les grandes dynamiques sociétales et servir de vecteur aux valeurs républicaines et citoyennes.
Par conséquent, il semble nécessaire de concentrer davantage les moyens de l'éducation artistique et culturelle sur les écoles primaires et maternelles. Il est indispensable que la jeunesse soit sensibilisée, très tôt, à la culture, dans toute sa diversité, qu'elle en soit plus largement à la fois l'actrice et la bénéficiaire, pour son propre épanouissement et dans l'intérêt de la cohésion sociale.
L'examen des crédits de cette mission me permet de souligner l'importance de mettre l'accent sur les conditions de circulation de l'information, sur son utilisation et sa véracité. En effet, pour nombre de jeunes, hélas, la culture se concentre dans leur seul téléphone.
À l'heure où les plateformes de médias sociaux prennent le relais des médias traditionnels, il faut encore mieux protéger nos citoyens les plus exposés et les plus vulnérables, en particulier nos jeunes, de la propagande, du complotisme, de certaines faiblesses journalistiques et, bien sûr, de la désinformation.
Face à ce défi, il devient impératif de mettre en place un plan d'action pour éveiller l'esprit critique de nos jeunes. Cette initiative représente un investissement essentiel pour leur permettre de naviguer, de manière informée et résiliente, au sein d'un environnement complexe et parfois très trompeur.
Comme l'a souligné Amin Maalouf dans Le premier siècle après Béatrice, « les moyens d'information répandent l'inconscience aussi sûrement que la lumière répand l'ombre ; plus le projecteur est puissant, plus l'ombre est épaisse. »
Mes chers collègues, malgré ces observations, le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen est favorable à l'adoption des crédits de cette mission, essentielle aux citoyens et à la poursuite de l'excellence artistique, gage aussi du rayonnement de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)