M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comparé aux bouleversements économiques et financiers de l'an dernier, ce projet de loi de finances rectificative pour 2021 apparaît presque comme un retour à la banalité de nos discussions budgétaires préestivales.
Il n'en contient pas moins un certain nombre de mesures budgétaires et fiscales qui viennent modifier l'équilibre voté en loi de finances initiale. C'est bien le minimum, alors que le contexte sanitaire continue de peser lourdement sur l'ensemble des agents économiques et affecte notre capacité à faire redémarrer une croissance durable.
Je remarque d'abord la fragilité persistante des hypothèses macroéconomiques. L'année 2020 a été pour cela tout à fait inédite, avec une chute vertigineuse de l'activité économique, puis un rebond limité en deuxième partie d'année avec la levée, puis malheureusement le retour à l'automne des restrictions sanitaires.
Les quatre lois de finances rectificatives adoptées l'an dernier ont eu pour conséquence des reports importants de crédits sur 2021, ce qui a contribué à repousser la présentation d'un nouveau texte, d'abord annoncé pour le mois de mars. Notre capacité à construire un budget fiable sur le cycle budgétaire est d'autant plus importante que notre économie a aussi besoin de confiance pour pouvoir se projeter.
Le décret d'avance de plus de 7 milliards d'euros, un record depuis 1958, vient nuancer ce propos. Le Gouvernement s'était gardé d'en faire usage depuis 2017, et c'était tout à son honneur. On peut dire que cette pratique, parfois controversée, est revenue en force avec la publication, le 19 mai dernier, dudit décret.
La réalisation des hypothèses de croissance économique et de solde budgétaire en 2021 dépendra in fine de notre capacité à continuer de maîtriser la pandémie, en particulier une éventuelle quatrième vague dont on voit déjà augmenter le risque de survenue pour l'automne.
Le déficit budgétaire de 9,4 % du PIB, légèrement plus élevé qu'en 2020, peut inquiéter. Il s'explique en partie, comme je l'ai dit, par des reports de crédits votés en lois de finances rectificatives l'an dernier et non consommés. Il est vrai que ces montants restent à un niveau exceptionnel.
En septembre prochain, nous devrions examiner une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Nous devrions aussi mener un débat sur les critères européens, actuellement suspendus. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, s'est récemment montrée favorable à une réforme du pacte de stabilité.
Les mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative devraient contribuer à atténuer les effets les plus négatifs de la crise sanitaire. Outre la poursuite des dispositifs de soutien existants, les entreprises bénéficieront de davantage de souplesse pour affronter cette période difficile. Les ménages ne sont pas oubliés, avec la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, en particulier pour les salariés de deuxième ligne.
Le groupe du RDSE porte, comme toujours, une attention particulière au secteur agricole et aux territoires ruraux, qui plus est durement touchés par des gelées tardives au printemps. Les dispositions introduites à l'Assemblée nationale sur la dotation pour aléas ou encore le report de la hausse de la taxation du GNR vont dans le bon sens. Nous présenterons des amendements pour aller plus loin dans cette direction.
Enfin, les mesures d'aide aux collectivités et surtout aux établissements publics locaux, prévues à l'article 10 du texte, permettront à ces structures et aux collectivités dont elles dépendent de mieux faire face aux pertes de recettes tarifaires, ce qui permettra de combler une lacune du plan de soutien.
Je salue également des mesures sectorielles telles que l'aide aux gérants de discothèques, établissements qui ont été contraints de rester fermés depuis le début de la crise sanitaire il y a plus d'un an.
La majoration de la réduction fiscale pour les dons aux associations cultuelles contribuera à aider ces dernières. Éric Gold et moi-même avons déposé un amendement visant à soutenir aussi toutes les associations à vocation sportive, culturelle et récréative, qui jouent un rôle essentiel de maintien du lien social – cette mesure est inspirée de la proposition de loi qu'Éric Gold a déposée en début d'année.
Il n'est pas possible de commenter en détail l'ensemble des mesures. Je retiens simplement que ce texte marque la volonté pérenne du Gouvernement de continuer à soutenir l'économie tant que les conséquences des restrictions sanitaires pèseront sur les entreprises – le « quoi qu'il en coûte ». Le coût budgétaire de cet engagement est considérable et il faudra, le moment venu, en tirer les conséquences et faire des propositions.
Regrettant peut-être un manque de lissage entre la résolution de la crise et le retour à un rythme normal, ainsi que des mesures proposées par la majorité sénatoriale qui risquent de dégrader encore davantage les comptes, la majorité des membres du groupe du RDSE devrait s'abstenir sur le vote de ce projet de loi de finances rectificative.