Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission, je me permets de commencer cette intervention par une exclamation de surprise : déjà !
Cette fusion, au sein d'un même office, des acteurs de la biodiversité et de la chasse semblait en effet encore totalement inaccessible il y a moins de trois ans, au moment de la discussion de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Nous étions pourtant déjà un certain nombre à considérer que ce regroupement des acteurs de la nature, et notamment des agents exerçant une fonction de police de l'environnement, était nécessaire à une véritable politique de protection de la nature, qu'elle allait dans le sens de l'histoire. On nous répondait que les choses n'étaient pas mûres, que les différences, les méfiances ataviques, le fossé culturel entre les acteurs étaient bien trop importants pour permettre ce rassemblement, et qu'il fallait donc laisser du temps au temps.
Nous ne pouvons donc que féliciter le Gouvernement et le Président de la République d'avoir réussi cette prouesse : avoir trouvé les arguments pour amener les uns et les autres à cette fusion.
La création de l'office, avec dorénavant 2 700 agents publics équivalents temps plein travaillés, dote les politiques de biodiversité d'un outil important. Je salue le travail du rapporteur Jean-Claude Luche sur le renforcement des missions de police de ces agents, avec un équilibre subtil, qu'il fallait préciser, entre attributions des services dédiés, comme l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique, l'Oclaesp, dont nous avions renforcé les moyens d'investigation dans de précédentes lois, et les nouvelles prérogatives données aux inspecteurs de l'environnement.
Toutefois, cette rapidité de la fusion entre l'AFB et l'ONCFS suscite, vous le savez, beaucoup de questions et d'inquiétudes des deux côtés. « Quelle est la véritable nature du deal entre l'État et les chasseurs ? », s'alarment les associations de protection de la nature. « La chasse ne sera-t-elle pas la perdante à terme de cette intégration, synonyme de perte d'influence ? », s'inquiètent les fédérations.
Nous n'avons pas à ce stade, disons-le, la totalité de la réponse à ces questions. Mais il y a un pari, que j'assume avec beaucoup d'autres ici : celui que les intérêts communs des chasseurs et des non-chasseurs, unis dans la défense de notre patrimoine naturel et du fonctionnement des écosystèmes, sans lesquels il n'y a ni gibier ni espèces protégées, deviennent plus importants que les seuls débats sur les dates d'ouverture et le niveau des prélèvements autorisés.
Il y aura encore des confrontations, évidemment, mais espérons que cette culture commune s'imposera progressivement. Le Sénat en a d'ailleurs souvent donné l'exemple, et, sans vouloir mettre Jean-Noël Cardoux en difficulté, tant ces interventions seront scrutées par ses camarades, je voulais rappeler que, lors du débat sur la loi relative à la biodiversité, il nous est arrivé, à lui et à moi, de défendre les mêmes amendements – le rapporteur de l'époque, Jérôme Bignon, que je salue tout particulièrement pour son investissement sur ces enjeux, pourra en témoigner.
Je soutiens donc le rapporteur dans sa volonté d'élargir la gouvernance de l'office, car il faut que tout le monde échange et discute, et je ne doute pas de la capacité de l'État à équilibrer soigneusement les représentations.
Cette méfiance se cristallise notamment autour de la question de la gestion adaptative des espèces, concept qui peut recouvrir tout et son contraire ; certains chasseurs n'aident pas à la résolution du problème, il faut le reconnaître, quand ils envisagent, y compris à haute voix, d'inscrire le goéland dans les espèces chassables…
Il ne serait pas raisonnable de se soustraire à la liste des espèces chassables issue de la directive Oiseaux de 2009 ; surtout, il va falloir arrêter de chasser les espèces en forte régression, comme le courlis cendré ou la tourterelle des bois – j'ai d'ailleurs bien noté la préoccupation de M. Patriat à propos de cette seconde espèce.
Néanmoins, quel plaisir partagé, vous l'imaginez déjà, quand ces chasses seront de nouveau autorisées, grâce à une politique ambitieuse, portée ensemble par les chasseurs et par les écologistes, pour la préservation des biotopes et la lutte contre les pollutions, notamment chimiques ! Tel est le sens, semble-t-il, d'une gestion adaptative des espèces et d'une chasse durable. Cela rejoint aussi les propos du ministre d'État François de Rugy : « Si une espèce voit son effectif augmenter, elle peut être chassée, et inversement ». Tout est dans le « et inversement »…
À propos de gestion adaptative des espèces, notre souci commun est quand même la démographie des chasseurs eux-mêmes. Plus de 2,2 millions de chasseurs en 1975, moins de 1,2 million en 2018, dont un tiers a plus de soixante-cinq ans et seulement 2,2 % sont des femmes. Il s'agit d'un effondrement de l'espèce (Sourires.), qui ne joue plus totalement son rôle de régulation des écosystèmes, par exemple pour le sanglier.
Considérez ainsi le cri d'alarme de la Fédération des chasseurs de l'Aveyron, qui organise le covoiturage, pratique écolo s'il en est, pour amener les chasseurs restants d'un point à l'autre du département, afin de faire nombre lors des battues au sanglier. Si je puis me permettre ce modeste conseil, le monde de la chasse, plutôt que de nourrir et d'élever quelques lobbyistes à l'action discutable,…
M. François Bonhomme. Cela ne vous arrive pas, à vous ?
M. Ronan Dantec. … doit investir dans une communication nouvelle, sans s'engluer dans la défense de pratiques anciennes, condamnées à disparaître.
Je voudrais vraiment vous convaincre que ces images d'oiseaux aux plumes collées (M. Michel Raison s'exclame.) et autres scènes contribuent à détourner les jeunes de cette activité, considérée d'un autre temps – pour ne pas employer de termes plus polémiques. Pour assurer son avenir, la chasse doit montrer son action bénéfique et souligner, avec l'appui de scientifiques et de données fiables, son impact positif sur l'évolution des espèces. Elle susciterait ainsi de nouvelles adhésions, tant il est illusoire de penser que les loups suffiront demain à réguler suidés et cervidés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)