Le texte initial comportait six titres et 69 articles. Le nombre d'articles a été multiplié par trois après le passage du texte à l'Assemblée nationale et en commission. Cela reflète l'ampleur du chantier qui nous sépare de nos objectifs en matière de climat.
Une réelle ambition est affichée par le Gouvernement et courageusement portée par vous, madame la ministre, mais la quantité fera-t-elle la qualité ? Notre ambition pour ce texte n'est visiblement pas la même que celle affichée par le Gouvernement. Nous aurions collectivement souhaité aller beaucoup plus loin. Malheureusement, le poids des lobbies est encore très présent, trop sans doute. Certains souhaitaient d'ailleurs la suppression des moulins, mais nous avons su résister, en tout cas au sein de notre commission. Surtout, les modes de pensée n'ont pas encore opéré leur mutation.
Sur ce dernier point, nous devons réaliser un virage à 180 degrés et placer l'environnement et sa préservation au cœur de toutes nos actions. La révolution intellectuelle à opérer est du même ordre que celle concernant la mise en place du revenu universel.
Nous devons mettre l'intégralité des secteurs d'activité au service de l'environnement, notamment l'énergie, les transports et, plus généralement, l'économie et la finance ; nous devons en faire la priorité, et non l'inverse. Oui, il y a des impacts ! Oui, il y a des résistances ! Oui, il y a des enjeux économiques et sociaux ! Oui, il y a des adaptations complexes ! Mais c'est un mal nécessaire, une dette que nous détenons envers les générations futures.
Surtout, le rôle de l'État et le nôtre en tant que parlementaire sont de créer les conditions nécessaires à cette transition, avec des mesures incitatives, un calendrier progressif et réaliste, de la pédagogie, de l'écoute et de la concertation. En résumé, il faut créer une véritable feuille de route et avant tout de la clarté et de la visibilité pour les acteurs.
Bien que dense et multipolaire, ce projet de loi n'en relève pas moins, malgré tout, d'une forme de saupoudrage sans véritable ligne directrice. C'est l'une des raisons qui m'ont poussé, ainsi que d'autres collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, à déposer un amendement de principe visant à engager résolument notre pays dans le respect des objectifs européens de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit d'un symbole fort, dans la perspective de la présidence française à venir, d'une France qui doit être le moteur de la transition écologique de l'Europe, comme elle l'a été pour de nombreuses autres politiques européennes, et comme s'y est engagé le Président de la République.
Nous savons que nous en sommes loin. Les lois adoptées jusqu'à aujourd'hui ne permettront pas d'atteindre les 40 % de réduction à l'horizon de 2030. Que dire, alors, du rehaussement de cette ambition à 55 % au niveau européen ?
Il est d'ailleurs frappant d'observer la profusion d'amendements que nous avons reçus les uns et les autres visant à compléter, à infléchir ou à renforcer les dispositions adoptées au travers des lois ÉLAN, Égalim, AGEC ou encore Biodiversité. Il s'agit donc bien d'une loi de correction qui reprend le sens d'amendements déposés au Parlement dans le passé par certains d'entre nous.
Pour le reste, s'il est évidemment impossible d'entrer dans le détail de chacun des articles, tant ces derniers sont nombreux et disparates, j'évoquerai tout de même quelques points d'accroche. Je commencerai par un sujet qui me tient particulièrement à cœur, en tant qu'élu issu du bassin minier du Pas-de-Calais.
L'exploitation minière a durement touché et touche encore de nombreuses communes, qu'il s'agisse de la fragilisation et de la pollution des sols, de la remontée des eaux, de la gestion des friches industrielles ou encore des conséquences sociales et sanitaires pesant sur leurs habitants. N'ayons pas peur des mots : c'est encore un véritable traumatisme.
Le prix payé par les régions minières justifie amplement que la réforme du code minier annoncée et promise donne lieu à un véritable débat parlementaire, un débat dans lequel le Sénat pourra pleinement défendre les intérêts des collectivités concernées. Aussi, je réitérerai ma proposition, formulée en commission, de supprimer l'article 21 habilitant le Gouvernement à légiférer sur ce sujet par ordonnances, même si, par le passé – il ne faut pas l'oublier – le Parlement a pleinement participé à inscrire « en dur » une partie des habilitations.
Sur un sujet proche, je souhaite que soit apportée une attention particulière à la présentation, lors de nos débats en séance, des articles émanant de la proposition de loi de nos collègues Gisèle Jourda et Maryse Carrère visant à refonder la politique de gestion et de protection des sites et sols pollués en France. Ces dispositions fondamentales ont fait l'objet d'un travail et d'une concertation approfondis dans le cadre de la commission d'enquête qui a rendu son rapport en septembre dernier.
Par ailleurs, on peut regretter que le texte fasse l'impasse sur certains secteurs, pourtant sensibles pour l'environnement, comme le numérique ou le transport ferroviaire. À quand l'hydrogène dans le transport ferroviaire ?
Il en va de même de la question des aspects sociaux de la transition écologique, principalement au regard de notre principe républicain d'égalité : les bienfaits de la transition écologique doivent pouvoir être accessibles à tous.
À titre personnel, je souhaite aussi exprimer mon interrogation quant à l'application parfois très stricte de l'article 45 de la Constitution. S'il est légitime de souhaiter ne pas polluer le débat par l'examen de cavaliers, cette lecture de l'article 45 a conduit à l'irrecevabilité de certains amendements pourtant en cohérence avec l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre que poursuit le texte. Nous les déposerons de nouveau lors l'examen du projet de loi 3DS. Ces amendements visaient, conformément au principe que j'énonçais en introduction de mon propos, à accompagner au mieux les acteurs affectés par des évolutions législatives, certes justifiée par nos ambitions environnementales, mais parfois difficilement applicables, voire intenables pour les secteurs concernés.
Nos commissions se sont malgré tout efforcées d'enrichir le texte, au travers de dispositions relatives à la lutte contre l'écoblanchiment, au verdissement de la commande publique ou au parc de poids lourds, à la protection des écosystèmes ou encore à la lutte contre la déforestation. Le groupe du RDSE n'a pas été en reste, puisqu'il a déposé pas moins de 145 amendements. J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail effectué par notre chargée de mission.
Madame la ministre, les enjeux sont considérables, et ce projet de loi ne suffira pas à y répondre, c'est entendu. Mais les choses évoluent et continueront à évoluer, et on se doit de souligner les initiatives vertueuses prises par de nombreuses collectivités, filières industrielles ou entreprises. Les projets autour des circuits courts, de l'économie circulaire ou encore de la conception 100 % d'origine naturelle des produits ménagers ou cosmétiques fleurissent. Nous pouvons donc être résolument optimistes.
En tant que parlementaires, si nous devons être des vigies, nous devons aussi être des précurseurs et donner un élan, une direction. Les deux semaines de débat qui s'ouvrent devant nous seront déterminantes. Gageons que nous aurons tous à cœur, avec vous, madame la ministre, d'améliorer encore ce texte pour engager notre pays sur la voie nécessaire et urgente de la transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et au banc des commissions, ainsi que sur des travées du groupe SER.