M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Mireille Jouve. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'incendie survenu le 15 avril dernier au sein de la cathédrale de Paris a suscité une forte émotion. Celle-ci témoigne du profond attachement de chacun à la richesse du patrimoine français, dont Notre-Dame est l'un des éléments les plus remarquables.
Au travers de cette émotion, l'exécutif semble avoir perçu une attente, celle que soient le plus rapidement possible effacées les traces de ce sinistre, dont les conséquences auraient pu être beaucoup plus destructrices sans le professionnalisme et la célérité des pompiers parisiens.
Dès le 16 avril, le Président de la République a souhaité s'exprimer dans le cadre d'une allocution télévisée. Alors qu'aucun diagnostic n'est établi, que l'intégrité des murs de l'édifice n'est pas encore totalement assurée, le chef de l'État déclare sa volonté de voir la restauration du monument achevée d'ici à cinq années.
Pierre Dac disait que rien ne sert de courir si l'on n'est pas pressé. En effet, l'immédiateté, pour laquelle notre époque a un goût peut-être trop prononcé, n'est pas nécessairement un gage de bonne gouvernance. Si certaines situations appellent des réponses rapides, le chantier qui va s'ouvrir sur l'île de la Cité ne justifie aucun empressement particulier de notre part.
Cette opinion est partagée par la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat, qui ont porté des amendements de suppression de l'article 9 lors de l'examen du projet de loi en commission.
Toutes dérogations ou adaptations s'appliquant aux règles d'urbanisme, de protection de l'environnement, de voirie et de transport, ainsi qu'aux règles de commande et de domanialité publiques, nous apparaissent très inopportunes. Un tel biais créerait un précédent dangereux en matière de restauration.
Aucune contrainte temporelle ne s'impose en outre à nous, en tout cas aucune contrainte qui ait été portée à notre connaissance. Si le Gouvernement dispose d'éléments que nous ignorons, nous serions heureux qu'il les évoque au cours de notre débat.
Quant au débat sur une possible évolution architecturale de l'édifice, nous estimons qu'il n'est pas de nature parlementaire. Même si nous sommes profondément attachés à la silhouette de cet édifice et de sa flèche, indissociable du cœur historique de Paris, nous gardons à l'esprit que le site de Notre-Dame s'est inscrit dans un continuum tout au long de son histoire, des Romains jusqu'à nos jours.
Nous savons également à quel point ce type de débat, portant sur l'évolution d'un édifice d'une si grande notoriété, peut-être clivant au sein de la société. Il y a trente-cinq ans, lorsqu'il a été question d'implanter une pyramide de verre au sein de la cour du plus grand palais d'Europe, également témoin de 800 ans d'histoire, le débat fut âpre – on parla de « degré zéro de l'architecture », on lança un « appel à l'insurrection » –, mais le résultat final a convaincu plus d'un sceptique.
Aussi, je pense qu'il ne nous revient pas de nous prononcer sur ce point, sur lequel notre opinion compte après tout autant que celle de chaque Français.
Sur les conditions de mise en œuvre de la souscription, le RDSE défendra une proposition allant à contre-courant de celles qui ont été formulées jusqu'ici. En effet, le relèvement à 75 % du taux des déductions fiscales octroyées aux particuliers jusqu'à 1 000 euros ne nous paraît pas se justifier.
Tout d'abord, ce taux représente encore un régime d'exception. Même si nous ne sommes pas arrivés au terme de la souscription et que nous ne connaissons pas l'estimation du coût de la restauration à venir, les projections laissent à penser que les fonds collectés seront suffisants. Il n'apparaît donc pas nécessaire d'essayer de stimuler un élan qui est déjà remarquable par son ampleur.
Ensuite, nous sommes favorables, dans un souci d'équité fiscale, à la proposition de M. Eblé de créer un crédit d'impôt afin que l'État puisse accompagner chaque Français, imposable ou non, dans cet effort.
Il ne nous apparaît pas cohérent, d'un côté, de repousser cette proposition, en arguant de son coût pour l'État, comme l'a fait le Gouvernement à l'Assemblée nationale, et, de l'autre, de majorer une déduction d'impôt qui représentera, au bout du compte, également un coût supplémentaire pour l'État. Aussi, nous demanderons le maintien du taux de déduction de 66 %.
Nous sommes conscients que le Premier ministre a rapidement proposé un taux de 75 % et que, jusqu'à présent, les donateurs ont effectué leur démarche en ayant à l'esprit ce cadre élargi, mais nous connaissons aussi les difficultés budgétaires actuelles de l'État et leurs conséquences sur la vie quotidienne des Français. Si ce taux majoré n'a pas de pertinence, si ce n'est celle de venir grossir un catalogue de mesures d'exception, nous n'y souscrirons pas.
Le Président de la République, dès le lendemain du sinistre, a appelé à l'union nationale, suspendant la restitution des conclusions du grand débat qu'il avait initié.
Monsieur le ministre, lors de leurs travaux, les commissaires à la culture du Sénat ont fait preuve d'une belle unité sur leurs propositions, même s'ils ont émis quelques rares réserves. J'ai la conviction que cette harmonie va se poursuivre au cours de notre débat aujourd'hui. Il est essentiel, si le Sénat s'accorde une nouvelle fois sur une proposition rassemblant le plus grand nombre d'entre nous, que les discussions avec nos collègues députés sur une rédaction commune soient animées du même esprit.
La renaissance de Notre-Dame n'a pas de marqueur politique. L'unité que le chef de l'État a appelée de ses vœux à la suite de ce sinistre doit aussi se traduire par une vision commune à l'ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)