Intervention de Ronan Dantec
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, l'une des raisons d'être de ce texte, il faut quand même le rappeler, était de reculer la date d'application d'un des grands principes de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée en 2015, à savoir la réduction de la part du nucléaire dès 2025. Voter une nouvelle loi pour repousser de dix ans cette date importante ne peut pas réjouir l'écologiste que je suis.
Je partage néanmoins l'analyse que vous avez souvent développée, madame la ministre, selon laquelle il ne suffit pas d'afficher des objectifs si ensuite les politiques publiques ne sont pas mises en cohérence. Or cela a été le cas après l'adoption de la loi susvisée en 2015 : les politiques publiques n'ont pas suivi, notamment sur le développement des énergies renouvelables. La France est sur ce point, nous le savons et il faut le rappeler, largement en retard par rapport à ses engagements européens.
Sur la question-clé de l'avenir du nucléaire, plusieurs éléments m'ont tout de même un peu rassuré.
Je veux d'abord rendre hommage de nouveau au rapporteur, Daniel Gremillet, qui, de manière constante, a défendu le développement des énergies renouvelables.
M. Jean-François Husson. M. Gremillet entre dans l'histoire ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. C'est quasiment historique, tant la méfiance gaulliste vis-à-vis des ENR semblait aussi indépassable que son soutien indélébile au tout nucléaire. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.) J'insiste sur les évolutions positives, vous ne pouvez être que d'accord avec moi !
Je suis totalement en phase avec Daniel Gremillet sur le sujet de l'éolien offshore, qui offre de grandes perspectives pour l'avenir industriel de la France. Nous avons eu le plaisir de lancer à Saint-Nazaire les travaux du premier parc éolien de ce type la semaine dernière.
Je veux ensuite remercier sincèrement le Gouvernement de m'avoir tout autant rassuré, car je craignais que derrière ce recul de dix ans il n'y ait l'idée un peu folle de faire la jonction avec le nucléaire de quatrième génération. Avec l'abandon d'Astrid en rase campagne, ce risque paraît s'éloigner. L'EPR continue d'accumuler les déboires et semble techniquement comme économiquement totalement incapable d'incarner sérieusement un quelconque avenir pour la filière nucléaire. Il faut donc nous donner maintenant rendez-vous dans cinq ans pour la prochaine discussion de cette nature. Nous serons alors dans l'extinction progressive de cette parenthèse nucléaire. Les choses évoluent donc dans le bon sens.
De nombreux orateurs ont insisté sur la question climatique, qui est, vous le savez, l'une de mes grandes priorités. Je regrette qu'un certain nombre d'amendements, soutenus notamment par le collectif sénatorial Urgence climatique, n'aient pas été retenus.
En particulier, l'un de ces amendements, pragmatique, tendait à pallier le déséquilibre entre la question énergétique, dont les objectifs quantitatifs vont assez loin, et la stratégie bas carbone, dont de nombreux éléments quantitatifs sont renvoyés à des décrets. Le rééquilibrage proposé par le Sénat n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale et nous le regrettons.
L'un des amendements adoptés par le Sénat qui n'ont pas été repris bien qu'il ne soit pas passé inaperçu, ce n'est rien de le dire, visait à classer en logements indécents des logements les plus énergivores. Il s'agissait d'un amendement d'appel, dont nous étions conscients qu'il présentait peut-être quelques difficultés d'application (Sourires.), mais nous voulions souligner l'absence d'opérationnalité des politiques de rénovation thermique aujourd'hui en France faute de contraintes et de financements précis.
Ce débat est essentiel, et je sais, madame la ministre, que vous partagez la volonté de reprendre cette question. Le prochain rendez-vous sera le projet de loi de finances. Le Gouvernement devra alors démontrer de réelles ambitions quantitatives, mais surtout une cohérence d'approche de ses propres politiques d'incitation et de contrainte. Une telle cohérence n'existe pas aujourd'hui.
Nous relevons à l'inverse, parmi les nombreux amendements défendus par le collectif transpartisan Urgence climatique, le maintien de l'article 6 bis relatif à la possibilité pour les organismes d'HLM d'organiser des projets d'autoconsommation. C'est une évolution importante.
Nous soulignons aussi que l'Assemblée nationale a accepté, dans la dernière ligne droite de la CMP, de mentionner que le rapport relatif à la contribution des PCAET, les plans climat-air-énergie territoriaux et des Sraddet, les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, aux politiques de transition écologique et énergétique comprendrait l'évaluation par l'État de ce que lui-même avait fait depuis l'adoption de la loi de 2015 pour la mise en œuvre de ces politiques territoriales.
Je vous remercie, madame la ministre, et j'en profite également pour en informer le Sénat, d'avoir rapidement pris l'initiative de réunir vendredi dernier tous les réseaux de collectivités territoriales pour discuter d'une nouvelle stratégie nationale de relance des plans climat-air-énergie territoriaux. La mise en œuvre de ces derniers est quelque peu en panne alors qu'ils sont totalement nécessaires à l'atteinte des objectifs quantitatifs de la France en matière de réduction des émissions. Vous avez entendu le Sénat qui martèle depuis des années, notamment lors des discussions des projets de loi de finances, l'importance du soutien de l'État à ces actions pour le climat des territoires.
En conclusion, assez peu d'amendements du Sénat ont survécu à la CMP. Nous pouvons tous le regretter, car certains le méritaient.
Le groupe du RDSE se partagera – c'est dans sa nature (Sourires.) – entre vote pour et abstention, mais j'espère que vous entendrez l'abstention des sénateurs écologistes comme un signal bienveillant quant à la nécessité d'un travail en commun dans la durée, tant l'urgence climatique, je le dis très sincèrement, ne nous laisse pas le temps des postures, des phrases définitives non suivies d'effets, mais appelle à des solutions partagées ambitieuses et discutées collectivement.