Mme la présidente. La parole est à M. Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle démocratie voulons-nous pour demain ? C'est le véritable enjeu de ce texte de loi, qui, dans son intitulé, énonce deux fondamentaux de la vie politique : l'engagement et la proximité.
L'engagement à servir l'intérêt général, les populations et les territoires doit être le moteur de tout mandat.
La proximité est quant à elle une fondation de notre République.
La France est souvent montrée du doigt pour ses 35 000 communes et ses 503 000 élus municipaux. Ce serait trop.
Trop pour leur budget ? Nous le savons tous ici, ce sont très majoritairement des bénévoles qui consacrent leur quotidien à leur ville ou à leur village, 72 % des communes comptant moins de 1 000 habitants.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Henri Cabanel. Tout cela ne représente jamais que 1,2 % du budget des communes.
Trop de moyens humains ? Quand on constate leur sacerdoce, comment nier le rôle évident des élus locaux ? « Nous sommes de véritables amortisseurs sociaux », m'a dit une maire que j'ai rencontrée lorsque j'ai fait le tour de mon département de l'Hérault. J'aime à répéter cette phrase, qui reflète la réalité des élus communaux.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Henri Cabanel. De fait, les élus locaux sont présents sept jours sur sept, quasiment jour et nuit.
M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Henri Cabanel. La plupart indiquent remplacer certains services qui ont déserté les communes rurales ou les agents municipaux que leur petit budget ne peut assumer.
Bref, notre République s'appuie sur ces élus, qui offrent à notre pays un véritable équilibre, une paix dans un contexte pour le moins agité. Si l'on peut débattre de leur nombre au sein du conseil municipal quand on connaît la difficulté qu'ont certains candidats à constituer une équipe, la nécessité des élus et l'importance de leurs missions sont, elles, incontestables. Dès lors se pose une question fondamentale : comment les soutenir dans leur mandat ?
Merci pour ce texte, qui, dans ses quatre parties, a pour objectif d'apporter des réponses aux problèmes des maires, s'agissant notamment de leur positionnement au sein des EPCI ou encore de leurs pouvoirs de police.
Toutefois, je regrette deux éléments majeurs. En premier lieu, monsieur le ministre, l'intitulé du projet de loi ne mentionne pas le « statut de l'élu local » dont vous avez parlé tout à l'heure. En second lieu, le texte ne prévoit que des droits, et pas de devoirs.
Le « statut de l'élu » est-il devenu un gros mot ? Avons-nous peur des citoyens ? Depuis des années, les élus locaux revendiquent un statut. Pour rappel, ce terme n'a rien de subversif ! Il s'agit uniquement d'un ensemble de textes qui règlent la situation d'une personne ou d'un groupe. Depuis des décennies, les textes s'empilent sur le sujet, sans qu'il y ait eu de réforme radicale.
Le présent projet de loi est l'occasion de s'emparer de la question, à la condition, bien évidemment, que nous soyons écoutés. Pour l'heure, il consiste en un mélange de mesures, certes utiles – je pense notamment à la formation ou à la prise en charge des frais de garde –, mais il ne va pas au fond du sujet.
Les enjeux du statut de l'élu sont triples. Alors que plus de deux maires sur cinq sont des retraités, alors que seulement 16 % des maires sont des femmes, ces enjeux sont ceux de notre société : il s'agit de lutter contre les freins à l'engagement liés à l'activité professionnelle, à la parité et à la représentation de la société dans la vie publique.
Les chiffres publiés sur le site de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité montrent une progression de la part des retraités. Cela indique de façon très claire la difficulté qu'ont les salariés, et plus particulièrement ceux du privé, à réintégrer leur entreprise à l'issue de leur mandat. Une quantification du temps qu'exige l'exercice d'un mandat municipal s'impose pour expliquer aux citoyens la nécessité de réformer les retraites et les indemnités des élus locaux.
À cet égard, ce texte aurait dû associer les droits et les devoirs. Comment, dans un contexte social en crise, dans une défiance exacerbée des citoyens envers leurs gouvernants, imaginer des droits sans devoirs ? Alors que le « tous pourris » inonde les réseaux sociaux, les élus locaux font les frais de ce manque de confiance, mais également de l'absence de respect, qui s'amplifie.
Quel est le contexte sous-jacent du drame de Signes intervenu cet été ? Celui de citoyens qui ne respectent plus les élus et de fortes menaces pesant sur l'autorité du maire.
La commission des lois du Sénat a lancé récemment une consultation auprès des maires. Les chiffres qui ont été communiqués démontrent ce malaise : 92 % des participants à la consultation ont déjà subi des incivilités, des injures, des menaces ou des agressions physiques.
Rédiger des textes de loi pour renforcer les moyens de contrainte, c'est bien. Expliquer, c'est essentiel, car la citoyenneté ne se décrète pas, pas plus que la confiance.
C'est pourquoi nous devons collectivement œuvrer pour reconquérir les Français. Nous devons collectivement débattre, expliquer, quels que soient nos mandats et quels que soient les publics.
Pourquoi, par exemple, ne pas imposer à chaque élu de consacrer une demi-journée par mois à une rencontre avec les jeunes ? La citoyenneté se crée dès le plus jeune âge, et je peux vous dire, pour rencontrer les conseils municipaux de jeunes, mais également des élèves et des étudiants du CE2 jusqu'au master 2, qu'il y a une vraie appétence pour nos institutions. Ainsi, dans une décennie, la situation pourrait être inversée, à la condition toutefois que nous expliquions bien nos droits et nos devoirs.
La nécessité de détenir un casier vierge, pour les candidats aux élections, est l'un de ces devoirs. Une telle condition paraît d'ailleurs évidente pour les élus locaux qui la réclament. J'ai réalisé une enquête dans mon département : 82 % des maires qui ont répondu y sont favorables.
D'après ce même questionnaire, pour 74 % des maires, l'exigence accrue des citoyens représente le principal frein à l'engagement. C'est pourquoi il est fondamental de témoigner, d'informer sur le rôle majeur de nos élus et de soutenir encore et toujours cet extraordinaire maillage de notre pays.
En ce sens, le groupe RDSE a déposé de nombreux amendements qui vont plus loin que le texte examiné, car, si le débat a le mérite d'être posé sur plusieurs sujets, certaines propositions sont perçues par les élus locaux comme des effets d'annonce ou de communication. Par exemple, quelle valeur aura la possibilité, pour un EPCI, de déléguer la compétence eau et assainissement aux communes qui le souhaitent, si cette délégation est soumise au vote de l'établissement ? Dans la réalité, certains EPCI ont une gouvernance de baronnie et des postures politiciennes qui bloqueront toute délégation. Par conséquent, il faut soit figer la situation voulue par la loi NOTRe, soit revenir purement et simplement sur celle-ci, en annulant le transfert. Tel n'est pas votre choix, mais la disposition du texte n'est pas tenable dans la réalité. Il faut aller plus loin.
L'augmentation du pouvoir de police du maire est également une bonne intention. Toutefois, dans la réalité, certains pensent que cela les mettra encore plus en danger.
M. Philippe Dallier. Mais non !
M. Henri Cabanel. Un accompagnement par les services d'État est donc nécessaire.
M. Philippe Dallier. Un peu de courage !
M. Henri Cabanel. Enfin, proposer une hausse des indemnités prélevée sur le budget communal est irréaliste. C'est presque une injure pour les plus petites communes. Dans un contexte financier contraint, une telle mesure est illusoire ! L'État devrait en assumer la charge. C'est le prix à payer pour soutenir l'engagement citoyen. C'est le prix à payer pour notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Didier Marie et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)