Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi Industrie verte a fait l'objet, lundi, d'un accord entre députés et sénateurs, qui devrait lui permettre d'être définitivement adopté dès aujourd'hui.
La désindustrialisation a coûté à la France des milliers d'emplois, sans compter le savoir-faire et l'expertise qui allaient avec. Au-delà, les crises successives que nous traversons depuis plusieurs années nous ont appris que nous ne pouvions plus dépendre uniquement de nos échanges commerciaux, nos partenaires n'étant pas toujours fiables et étant, eux aussi, soumis aux aléas des crises.
Le manque de masques au début de l'épidémie de covid-19, les pénuries de médicaments qui se multiplient et, de manière générale, les difficultés croissantes d'approvisionnement en matières premières nous invitent à redéfinir notre principe de souveraineté.
Le réchauffement climatique, par-dessus tout, nous intime l'ordre de revoir notre mode de fonctionnement pour limiter au maximum nos émissions de CO2.
La décroissance n'étant ni souhaitable ni compatible avec le contexte économique actuel, il nous faut trouver un modèle de production conciliable avec la transition écologique qui nous permette de renouer avec notre tissu industriel et nos savoir-faire, tout en créant ceux de demain.
Telle est l'ambition affichée de ce projet de loi : faciliter et financer les implantations industrielles, notamment les plus vertes, réhabiliter les friches, adapter la commande publique aux enjeux environnementaux et développer l'économie circulaire.
Nous aurions pu espérer que les précédentes avancées législatives sur l'économie circulaire et la commande publique auraient déjà permis d'améliorer grandement la situation. Or, à lui seul, l'exemple de la production française de masques chirurgicaux nous démontre le contraire. Il est indispensable de donner un nouvel élan en la matière : au début de la crise du covid-19, plusieurs entreprises françaises se sont engagées dans la production de masques, répondant dans l'urgence à une priorité nationale. Or les commandes publiques se tournent de nouveau vers les productions asiatiques, à mille lieues de toute préoccupation environnementale et de la préservation de notre tissu industriel.
La taxe carbone aux frontières de l'Union européenne permettra, en ce qui concerne les matières premières les plus émettrices de CO2, de mettre sur un pied d'égalité le fait de produire au sein de l'Union ou de produire à l'extérieur puis d'importer. Elle entrera en vigueur en 2026, après plusieurs années de tractations et une première phase de test lancée au début du mois.
Espérons que l'effet contagieux attendu chez nos partenaires commerciaux sera au rendez-vous. À défaut, de nombreuses entreprises européennes pourraient ne pas survivre au déséquilibre qu'entraînera cette nouvelle taxe.
En sus d'une réflexion sur les taxes aux importations extra-européennes, nous ne pouvons faire l'impasse sur la question de la réciprocité dans la commande publique.
De nombreux États hors Union européenne – je pense, par exemple, à la Chine – favorisent très largement leurs entreprises, ne laissant aux nôtres aucune chance d'accéder à leurs marchés publics. Inversement, des entreprises chinoises, fortement subventionnées dans leur pays, gagnent des appels d'offres en France et en Europe, y compris dans des secteurs hautement sensibles et stratégiques.
Dans un contexte d'accroissement des tensions à l'échelle internationale, le renforcement de notre souveraineté industrielle passera nécessairement par des actions plus volontaristes en matière de commande publique.
Pour en revenir à ce projet de loi, si la plupart de nos amendements, adoptés au Sénat, n'ont pas été conservés, nous nous réjouissons du maintien dans le texte final d'un amendement de notre collègue Éric Gold visant à faire bénéficier de la procédure de déclaration de projet les implantations d'activités de recherche et développement dans les technologies favorables au développement durable.
Les mesures de requalification des friches permettront de faciliter la reprise de ces sites par des industries moins carbonées.
Le plan d'épargne avenir climat est une mesure de financement intéressante, même si l'on peut s'interroger sur le fait de faire reposer le financement des industries de demain sur les nouvelles générations.
Les autres dispositions financières, notamment un crédit d'impôt pour les investissements en faveur de l'industrie verte, sont renvoyées au projet de loi de finances pour 2024.
En résumé, le titre ambitieux, mais mal défini, de ce projet de loi aboutit à un timide verdissement de l'industrie, avec des dispositions qui font consensus, mais qui demeurent essentiellement techniques.
Dans un contexte d'instabilité diplomatique et de tensions croissantes sur les matières premières, il manque encore une vision globale et de vraies incitations à économiser les ressources. Il manque également une réflexion de fond sur la formation et l'attractivité de ces métiers, alors que l'industrie peine à attirer des candidats.
Ce texte traduit toutefois la prise de conscience de l'État sur le problème de la désindustrialisation, après la mise en place de Territoires d'industrie ou encore la baisse des impôts de production.
Aussi, bien que nous aurions aimé des dispositions plus ambitieuses, les membres du groupe RDSE soutiendront ce texte et voteront en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (M. Christian Bilhac applaudit.)