Naturellement, le législateur s'implique pleinement, lui aussi, dans la lutte contre ce fléau barbare. Dès 2017, la loi SILT était venue introduire de manière temporaire dans notre droit diverses mesures inspirées des dispositions de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.
Depuis lors, il nous revient, malheureusement, la tâche de pérenniser ces dispositifs, donc de nous confronter à une difficulté fondamentale : maintenir le respect et l'équilibre entre État de droit et libertés individuelles.
Bien entendu, le Conseil constitutionnel est là pour y veiller ; il l'a encore montré récemment dans sa décision du 7 août 2020 par laquelle il a censuré le dispositif adopté par notre Parlement cet été, lequel introduisait une nouvelle mesure judiciaire de suivi, à leur sortie de détention, des individus condamnés pour des faits de terrorisme.
Aussi, certaines dispositions du projet de loi examiné ce jour répondent à cette censure des juges. Je veux, à ce titre, saluer le travail du Sénat, qui s'est montré particulièrement réactif en adoptant, dès le 25 mai 2021, la proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention.
Pour faire fructifier efficacement ce travail parlementaire, il est évident que cette proposition doit s'intégrer au nouveau texte ; c'est ce que s'est attaché à faire notre commission, en proposant une nouvelle et bienvenue rédaction de l'article 5.
Plus largement, les autres dispositions du projet sont, pour la plupart, attendues et nécessaires.
En ce qui concerne le volet « terrorisme », le législateur s'était montré précautionneux lors de l'examen de la loi SILT, en adoptant des mesures temporaires, d'application limitée au 31 décembre 2020. Ce délai a dû être prorogé au 31 juillet 2021, mais il n'était pas possible de reporter cette pérennisation inlassablement, sauf à renoncer à ce que notre droit bénéficie d'une forme de stabilité.
Ce projet de loi permet ainsi d'aller au-delà de cette date, en ne retenant plus de limitation dans le temps, avec l'espoir qu'une telle disposition ne soit pas attentatoire aux garanties constitutionnelles exigées.
Cependant, les ajustements apportés par notre commission des lois devraient contribuer à atteindre l'équilibre espéré. Je pense en particulier à l'article 1er bis, qui a été introduit lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale et que la commission a amendé, en intégrant certaines réserves d'interprétation formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 mars 2018.
Concernant le volet renseignement, ce projet de loi ajuste ou modifie un certain nombre de mécanismes institués par la loi du 24 juillet 2015.
Comme cela a déjà été souligné, il apparaît nécessaire, d'une part, de travailler à un meilleur encadrement de l'exploitation et de la transmission de renseignements entre services et aux services, et, d'autre part, d'œuvrer pour adapter les moyens de nos services de renseignement aux nouvelles formes de menaces toujours plus diffuses.
Enfin, ce projet de loi aborde un point délicat : la classification des archives. En effet, l'article 19 modifie le régime d'accès aux archives classées secret-défense en allongeant potentiellement au-delà de cinquante ans le délai pendant lequel ces archives peuvent ne pas être accessibles, notamment aux chercheurs, aux historiennes et historiens, et, plus généralement, aux citoyens.
Cette disposition pourrait créer dans notre droit l'un de ces déséquilibres que nous nous efforçons justement d'éviter. Aussi le groupe RDSE soutiendra-t-il plusieurs amendements que j'ai présentés, afin d'offrir des solutions face à ce que nous considérons, au côté du rapporteur public, comme un dysfonctionnement anachronique.
Il est indispensable que ces amendements recueillent votre assentiment, mes chers collègues, pour ne pas déséquilibrer notre droit.
Tout en demeurant vigilant quant au sort qui sera réservé à ces amendements, le groupe RDSE se montrera favorable à ce texte. (MM. François Patriat et Henri Cabanel applaudissent.)