M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui revêt une importance toute particulière.
Je rappelle que, dans notre pays, plus de 300 000 enfants bénéficient chaque année d'une mesure de protection : le législateur se doit de suivre, d'améliorer et d'actualiser les mesures visant à garantir un cadre de développement efficace et digne à chaque enfant.
Le groupe du RDSE est d'autant plus sensible à cette question que nous avions fait adopter par le Sénat en mai 2020, sur l'initiative de notre ancienne collègue Josiane Costes, une proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français.
C'est pourquoi je salue l'initiative de ce texte, qui soulève des enjeux primordiaux et introduit de nouveaux outils pertinents et humains, afin de renforcer l'édifice institutionnel relatif à la protection des enfants.
Ainsi, nous nous réjouissons des nombreux dispositifs prévus par le texte, tels que l'interdiction d'héberger les mineurs dans des hôtels.
Les dispositions relatives à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes majeurs issus de l'aide sociale à l'enfance constituent des avancées notables. Je pense à la création d'un parcours vers l'emploi ou à l'accès à une formation dans le cadre d'une mission locale, assortie d'une allocation de près de 500 euros par mois pour faciliter l'insertion.
Cette stratégie visant à atténuer les sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance est positive, dans la mesure où elle permettra à ces enfants de disposer des moyens de se construire une vie stable. Je rappelle que, aujourd'hui, 70 % des jeunes de l'aide sociale à l'enfance n'ont pas de diplôme et qu'une personne sans domicile fixe sur quatre vient de la protection de l'enfance. Nous ne pouvons pas tolérer une telle situation.
La systématisation du contrôle du casier judiciaire de l'ensemble des professionnels intervenant auprès des enfants de l'ASE est une autre avancée significative. Il s'agit de s'assurer qu'aucun enfant n'est en contact avec un intervenant condamné pour infractions sexuelles. Cette mesure résonne particulièrement, puisqu'elle s'inscrit dans un contexte de mise en lumière des abus sexuels dont sont victimes les enfants, à l'occasion de la publication de l'indispensable rapport de Jean-Marc Sauvé.
Toutefois, ce projet de loi comprend des lacunes, sur lesquelles le législateur ne peut faire silence.
Je pense ainsi au suivi psychologique des enfants de l'ASE. La Haute Autorité de santé le rappelait déjà en 2017, ces enfants sont plus sujets aux souffrances, inhibitions et troubles psychiques que la population générale. Les situations complexes, inhérentes aux problématiques de placement, appellent notamment un renforcement des dispositifs de suivi et de soutien psychologique, dans l'intérêt de la construction et du bien-être des enfants. La politique globale de protection de l'enfance ne peut faire abstraction de cette problématique.
La situation demeure fragile, malgré la création entre 2018 et 2019 de dix postes d'assistants-chefs de clinique en pédopsychiatrie. Nous attendons un renforcement des actions proposées dans la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie présentée en 2018 par Agnès Buzyn.
Je me pose également la question de l'applicabilité effective de la compétence en matière de protection de l'enfance des départements. Nous devons absolument veiller à leur juste association dans le processus d'exécution, au regard de l'aspect financier. Le Gouvernement a déjà débloqué 600 millions d'euros dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer de la soutenabilité financière, pour les départements, des mesures que nous adoptons ?
Ainsi, même si ce texte présente quelques failles, le groupe du RDSE le soutiendra, car il apporte des réponses à l'un des enjeux majeurs du XXIe siècle, à savoir la protection de l'intérêt de l'enfant.