M. Henri Cabanel. Promulgué le 20 janvier 2014, le texte est en réalité entré en vigueur le 1er janvier 2020. Son objectif était de porter à 172 – soit quarante-trois ans – le nombre de trimestres requis pour une pension à taux plein pour les personnes nées en 1973 et après.
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L’âge de l’emploi stable se situe en moyenne autour de 23 ans, car le taux d’activité augmente progressivement : de 16,7 % entre 15 et 19 ans, il passe à 60 % entre 20 et 24 ans. Aussi, on comprend vite que, sous l’effet de cette seule réforme, la grande majorité des personnes nées après 1973 serait partie à la retraite à 64 ans ou plus tard !
Pourtant, on connaît la suite.
D’un côté, des milliers d’amendements déposés pour ralentir l’examen du texte et, disons-le clairement, pour faire obstruction – car nous avons en mémoire le show de ces centaines d’amendements identiques déposés et défendus…
De l’autre, le recours au 49.3 à l’Assemblée nationale et au 44.3 dans cet hémicycle, qui n’a pas grandi le Gouvernement, suscitant l’incompréhension et la colère de nos concitoyens, tant la méthode était agressive, inexpliquée et maladroite.
Comment, en effet, défendre un texte, alors qu’aucun syndicat ne l’avait cautionné et que les sondages soulignaient l’opposition des Français ?
Résultat : peu de débats, un passage en force, et exit les vrais sujets, comme les carrières longues, les parcours des seniors et des femmes, ou encore la pénibilité.
Cette réforme a laissé un goût amer à tous ceux qui en avaient compris les enjeux : financer les prochaines retraites dans un contexte de vieillissement démographique, mais surtout de désenchantement du monde professionnel.
Le groupe du RDSE a toujours défendu une réforme du système des retraites, qui consisterait à remplacer les annuités par des points au sein d’un régime universel.
Les rapports du COR ont souvent démontré qu’une telle mesure était techniquement possible et permettrait notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité. C’était d’ailleurs la réforme proposée par le Président de la République en 2019, avant qu’il ne l’abandonne en raison de la crise de la covid-19 et des contestations sociales.
Mais pas de débat non plus à ce sujet !
Le Gouvernement n’a donc prévu qu’une anticipation de la loi Touraine et le report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. L’éléphant a accouché d’une souris !
Ce seul changement n’aurait pas dû enflammer la sphère politique qui, avec raison et conscience, depuis des décennies, du président Sarkozy au président Hollande, a toujours pris ses responsabilités pour réformer le régime des retraites et son équilibre.
Revenir aujourd’hui avec cette proposition de loi pour modifier ce seul indicateur d’âge, c’est légiférer pour légiférer, moins d’un an après l’adoption du dernier texte.
Quelques semaines avant les élections européennes, cet article unique d’abrogation du report de l’âge de départ à la retraite relève davantage d’une forme d’opportunisme politique que d’une vraie volonté de débattre et de relever les enjeux en présence. C’est pourquoi une majorité de sénateurs de mon groupe ne souhaite pas participer au vote.
Exit les carrières longues qui sont les premières à pâtir de cette réforme. Exit la pénibilité et les carrières hachées des femmes, à peine abordées. Exit la problématique des seniors. Ce sujet est pourtant très préoccupant, car le fait de porter à 43 ans la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein implique de travailler sur l’employabilité de ces personnes.
Quand on voit l’échec des négociations qui ont eu lieu cette semaine entre les syndicats et le patronat, on a quelques soucis à se faire.
Autre inquiétude : la hausse du taux d’absentéisme. En 2022, 35 % des salariés ont déclaré un arrêt de travail, contre 28 % en 2021, soit une progression de sept points, avec une augmentation notable des absences chez les plus jeunes. Deux indicateurs sont particulièrement inquiétants : les maladies professionnelles, principalement les troubles musculo-squelettiques, ainsi que les pathologies psychologiques sont à l’origine des arrêts de travail dont la durée est la plus longue.
L’enjeu crucial qui devrait nous animer est celui du bien-être au travail. Nous devons penser au-delà des querelles politiques pour avancer. Prenons les problèmes à bras-le-corps. Si le contexte nous a obligés, dès 2013, à envisager une durée de travail de 43 ans, unissons-nous pour le bien-être des travailleurs ! (M. Christian Bilhac applaudit.)