Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui une nouvelle proposition de loi dont l'objectif affiché est d'améliorer l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.
Souvenons-nous de la crise liée à la covid et de l'extrême agilité dont ont fait preuve les professionnels pour s'organiser et travailler ensemble, comme jamais auparavant. Ils ont relevé des défis incroyables. Nous avons tous salué cette nouvelle façon de faire ; nous avons tous dit que nous en tirerions les leçons et qu'il fallait laisser le terrain s'organiser.
Mais, avec l'examen de cette proposition de loi, les choses prennent une tout autre tournure… Cet examen intervient en effet alors que les négociations conventionnelles ne sont pas achevées, que les conclusions du Conseil national de la refondation ne sont pas rendues, que l'expérimentation de l'accès direct aux infirmiers en pratique avancée commence à peine, et déjà se termine.
La concorde entre professionnels de santé s'est transformée en défiance. On voit les uns s'opposer aux autres, parfois de manière un peu fleurie. La colère et l'inquiétude sont grandes chez les médecins, qui voient dans les mesures portées par le texte un risque de désorganisation et de dégradation des soins. Les professions paramédicales, elles, l'accueillent avec satisfaction.
J'ai beaucoup échangé avec les professionnels de santé – ces derniers jours encore plus – et tous s'accordent à dire que la montée en compétences et les partages de tâches sont des évolutions positives. Ils sont d'ailleurs nombreux, je crois, à avoir entamé le virage de ces nouvelles pratiques.
Dès lors, quel est le point de crispation ? C'est principalement l'accès direct et le sentiment de dévalorisation qui inquiètent et font monter la colère dans la profession médicale. Ce serait, je pense, une erreur de réduire cette colère à une simple réaction de corporatisme.
Si je vois dans les montées en compétences des métiers un levier d'amélioration de la prise en charge des patients, ainsi qu'un facteur d'attractivité, je n'envisage cette évolution que dans un cadre coordonné autour du médecin traitant, qui est et doit rester le pivot de la prise en charge. C'est pourquoi, avant de légiférer à nouveau, j'aurais préféré que l'expérimentation de l'accès direct aux IPA aille à son terme et nous permette, préalablement à son extension définitive, une véritable évaluation de la mesure.
Je tiens à saluer très sincèrement le travail, qui n'a pas été facile, de la commission et de sa rapporteure Corinne Imbert. De manière pragmatique et équilibrée, il permet de renforcer l'encadrement de l'accès direct aux professions paramédicales, afin d'allier accès aux soins et sécurité du patient.
La suppression des notions d'IPA praticiens ou spécialisés va dans le bon sens, tout comme le fait de réserver l'accès direct aux IPA aux structures de proximité que sont les équipes de soins primaires et les maisons de santé.
L'autorisation de l'accès direct aux kinésithérapeutes dans la limite de cinq séances, comme la commission l'a proposé, me paraît acceptable. À titre personnel, je suis moins favorable à la prescription de l'activité physique adaptée par les kinésithérapeutes, celle-ci demandant un examen plus global du patient.
La création d'un assistant dentaire de niveau II est une bonne chose, de même que la prise en charge des plaies par les infirmières, allant de la prévention jusqu'à la réalisation d'examens complémentaires.
Je partage par ailleurs l'ambition de mettre un coup d'arrêt aux pratiques, inacceptables et préjudiciables à tous, consistant à prendre des rendez-vous et ne pas les honorer. Il est urgent de responsabiliser les patients, afin de libérer des créneaux pour ceux qui en ont vraiment besoin. Toutefois, je doute du caractère opérationnel de l'amendement adopté en commission, susceptible à mes yeux d'être source de nombreux contentieux.
Le temps qui m'est imparti ne me permettant pas d'entrer plus en détail dans le contenu de cette proposition de loi, je m'exprimerai plus avant au cours de l'examen des amendements.
Si la crise de notre système de soins nécessite des réformes profondes et durables – autant de changements qui ne sont pas simples à mettre en œuvre –, si, comme nous en sommes convaincus, le statu quo n'est pas possible, mon groupe demeure vigilant quant à une potentielle désorganisation du parcours de soins, voire une dégradation de ce dernier. Il faut que médecins et professions paramédicales travaillent ensemble de manière coordonnée, mais c'est bien le médecin qui doit rester le pivot de l'équipe.
Gardons-nous d'une inflation de propositions de loi n'apportant aucune réponse structurelle. L'urgence est de former des médecins, de rendre l'exercice des professions de santé attractif, de donner envie aux jeunes de s'installer, de répondre à une crise identitaire que traverse la médecine générale. Pour cela, il faut restaurer la confiance.
Je formule donc le vœu qu'en ce jour de Saint-Valentin, nous parvenions à réunir tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, autour d'un projet commun de refondation profonde de notre système de santé. Nous devons le faire avec eux, et pas contre eux ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes RDPI, UC et Les Républicains.)