M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les médecins que compte notre groupe n'étant pas disponibles ce jour, c'est moi qui prendrai la parole, en pratique avancée ! (Sourires.)
La médecine française, née dans le tablier de Bichat, comme aimait à le dire Gustave Flaubert, s'est développée grâce à Trousseau, Claude Bernard et bien d'autres… Autant de grands noms qui ont donné à la France l'un des meilleurs systèmes de santé au monde.
Pourtant, le modèle français connaît aujourd'hui la crise la plus grave de son histoire et les réformes menées ces dernières années n'ont pas permis d'enrayer la dégradation à l'œuvre depuis plusieurs décennies.
Bien au contraire ! Conditions de travail dégradées, épuisement du personnel médical, perte d'attractivité, manque de reconnaissance : les symptômes sont nombreux.
Aujourd'hui, plus de 7 millions de Français sont dépourvus de médecin traitant et 600 000 d'entre eux sont atteints d'affection longue durée. La désertification médicale touche de plus en plus de territoires, privant ainsi des populations de plus en plus importantes d'un suivi médical de qualité.
Le 6 janvier dernier, à l'occasion des vœux aux acteurs de la santé, le Président de la République a rappelé la nécessité de réformer notre système de santé. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu qu'il y avait urgence. Car notre système de santé est fragilisé, à bout de souffle. Il tient grâce à la résilience extrême des hommes et des femmes de terrain. Il est plus que nécessaire de le repenser avant qu'il ne s'effondre.
Comme vous l'avez rappelé la semaine dernière, lors de la présentation du bilan du Conseil national de la refondation en santé : « Refonder, ce n'est pas colmater les brèches ». Le groupe du RDSE ne peut que souscrire à ces propos.
Pourtant, avec ce texte, un de plus, nous sommes bien loin de la grande loi santé que nous appelons tous de nos vœux.
Et cette refondation doit se faire avec la coopération des acteurs de terrain, notamment des professionnels de santé, qui, pendant la crise sanitaire, ont su relever des défis extraordinaires et nous montrer qu'il fallait leur faire confiance.
C'est pourquoi notre groupe regrette que l'examen de cette proposition de loi soit intervenu alors que les négociations conventionnelles avec l'assurance maladie étaient en cours et que les conclusions du Conseil national de la refondation n'étaient pas encore rendues. Notre collègue Véronique Guillotin l'avait déjà dénoncé le 14 février dernier.
Alors que la proposition de loi vise à améliorer l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, les médecins y ont vu de la défiance ! Bon nombre d'entre eux craignent en effet que ce texte ne dégrade la qualité de prise en charge des patients. C'est surtout la question de l'accès direct qui a cristallisé l'essentiel des oppositions. D'autant que l'accès direct aux IPA, masseurs-kinésithérapeutes et orthophonistes dans le cadre de structures d'exercice coordonné, aurait dû faire l'objet d'expérimentations. C'est du moins ce que les deux dernières lois de financement de la sécurité sociale prévoyaient.
Sur le fond, je tiens toutefois à saluer le travail de notre rapporteure, qui, en première lecture, avait amélioré la proposition de loi. Nous nous réjouissons que le texte adopté en CMP reprenne très largement les modifications apportées par notre assemblée.
La CMP a ainsi réservé l'accès direct aux IPA et aux masseurs-kinésithérapeutes aux structures d'exercice coordonné les mieux intégrées partageant une patientèle commune, à l'exclusion des CPTS, qui feront toutefois l'objet d'une expérimentation. Cette rédaction permet de préserver le rôle pivot du médecin dans la coordination des soins et le suivi des patients.
Plusieurs autres dispositions vont dans le bon sens. Je n'en citerai que quelques-unes.
Tout d'abord, la reconnaissance de la qualité de profession de santé aux assistants de régulation médicale était très attendue. Elle permettra, j'en suis sûr, de renforcer l'attractivité d'une profession indispensable à l'organisation du système de soins.
Ensuite, nous nous satisfaisons que soit pérennisée la possibilité offerte aux préparateurs en pharmacie d'administrer certains vaccins, mais aussi que soit étendu d'un à trois mois le délai de renouvellement des prescriptions pour les patients atteints d'affections de longue durée.
Surtout, il est primordial que les pharmaciens biologistes puissent dépister le cancer du col de l'utérus. Chaque année, 3 000 nouveaux cas sont détectés et 1 000 décès sont à déplorer en France. Il est donc indispensable de multiplier les moyens de dépistage. Aussi nous réjouissons-nous que le Gouvernement ait déposé un amendement visant à pérenniser cette compétence.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi qu'au banc des commissions.)