M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, animé par la volonté de représenter tous les territoires et de se faire le porte-voix des élus locaux, le groupe du RDSE a souhaité porter cette proposition de loi de création de l'agence nationale de la cohésion des territoires.
Vous le savez, face à la multiplicité des opérateurs, à la complexité des procédures et à la persistance de financements croisés, qui handicapent l'émergence des projets, les élus ont émis le souhait d'une meilleure lisibilité de l'ingénierie de projets.
Nous sommes donc partis d'un double constat, celui du manque d'efficacité du système actuel et du besoin de mieux accompagner les territoires fragiles. Sur cette base, nous avons élaboré un texte permettant la création d'un guichet unique au service des élus locaux, afin d'accompagner les initiatives locales, c'est-à-dire rendre la décentralisation effective.
Pour les collectivités ne disposant pas de l'ingénierie territoriale nécessaire, il s'agit d'un projet fondamental. Car ce sont bien les territoires les plus fragiles qui sont d'abord en attente d'une structure de conseil et de coordination. Ces dernières années, nombre d'entre eux n'ont pu faire émerger des projets par manque d'ingénierie et de moyens. Par exemple, les projets du dispositif Action cœur de ville, qui voient le jour partout en France, sont des opérations complexes et transversales pour lesquelles l'absence d'interlocuteur unique peut être un véritable frein dans certaines collectivités. Les élus locaux en sont bien conscients et sollicitent un choc de simplification.
Cela a été rappelé, le Président de la République, lors de la première Conférence nationale des territoires en juillet 2017, puis devant le Congrès des maires, s'est dit « conscient de certains défis de la situation de déclassement des villes moyennes et de leur ruralité ». La création de l'agence nationale de la cohésion des territoires, l'ANCT, doit précisément répondre aux besoins des élus de terrain pour concrétiser, selon les mots du président Requier, « la promesse républicaine de l'égalité ». C'est dans cet esprit que notre groupe a souhaité porter cette proposition de loi.
Je tiens ici à apporter quelques réponses aux inquiétudes qui ont émergé.
D'une part, l'ANCT n'est pas en concurrence avec les agences d'ingénierie locales, elle leur est complémentaire, comme le permet aujourd'hui le droit de la concurrence. Elle n'a pas plus vocation à se substituer aux structures bien établies. Nous tenions à être parfaitement clairs sur ce sujet.
Elle n'a pas non plus vocation à créer une charge supplémentaire pour les collectivités. Afin de l'inscrire dans la loi, le groupe du RDSE a déposé un amendement visant à préciser, à l'article 6, que les prestations de service susceptibles d'être facturées sont celles qui correspondent aujourd'hui aux missions industrielles et commerciales de l'EPARECA.
D'autre part, grâce à la fusion du CGET, de l'EPARECA et de l'Agence du numérique, elle doit permettre à l'ingénierie locale d'être plus efficace, plus réactive, et d'en optimiser les coûts de fonctionnement. À moyens constants – le Gouvernement s'y est engagé –, l'objectif est de faire mieux et plus vite. Il s'agit bien de renforcer l'efficacité de l'intervention de l'État et de ses opérateurs, grâce à une meilleure coordination.
En ce sens, nous avons déposé un amendement visant à supprimer la création des comités de la cohésion territoriale dans les départements, qui ajoutent de la complexité et nous apparaissent peu utiles et chronophages. Nous doutons par ailleurs du fait qu'ils puissent fonctionner sans aucuns frais et préférons assurer les élus d'une parfaite optimisation des financements.
J'en viens ici aux deux points fondamentaux auxquels nous attachons une grande importance.
S'agissant de la gouvernance de l'ANCT, nous sommes en accord avec le choix fait par la commission de donner plus de poids aux collectivités au sein du conseil d'administration. S'il s'agit bien d'une agence d'État, qui s'appuie donc naturellement sur le réseau préfectoral, elle doit avant tout son existence à l'initiative des collectivités et des élus. Nous proposerons d'ailleurs que l'outre-mer soit spécifiquement représenté. Cependant, nous nous étonnons de l'absence, au sein du conseil d'administration, de la Caisse des dépôts et consignations, qui joue pourtant un rôle essentiel dans le financement des projets. Nous vous proposerons donc de la réintégrer.
J'en terminerai bien sûr par l'article 2, modifié en commission. Sur ce point, convaincus de l'importance du numérique sur nos territoires, nous sommes en désaccord avec la majorité sénatoriale. Parmi les missions de l'Agence du numérique figure le plan très haut débit, dont l'achèvement est prévu en 2022. Aussi, comme le Conseil d'État et le Gouvernement, nous croyons qu'il n'est pas opportun de reporter son intégration à 2021. Il faut au contraire inclure au plus vite l'Agence du numérique, dont les missions constituent une part essentielle du périmètre de l'agence nationale de la cohésion des territoires.
Reporter son intégration reviendrait à une déstabilisation complète de l'édifice. Comment justifier cette absence, alors que la diffusion du très haut débit constitue aujourd'hui le cœur d'une grande partie des projets des territoires ? Quelle serait l'efficience d'une agence d'ingénierie dépourvue de prérogatives numériques ? Les risques sont élevés de voir l'ANCT devenir une coquille vide. Aussi, nous vous proposerons un amendement visant à fusionner dès 2020 le CGET, l'EPARECA et l'Agence du numérique.
Monsieur le ministre, nous avons écouté Mme Gourault attentivement lors de son audition par la commission. Nous partageons l'ambition du Gouvernement de voir une agence pleinement opérationnelle dès 2020. Nous entendrons de nouveau avec grand intérêt votre désir de voir aboutir ce projet, tel qu'il est souhaité par les élus locaux, dans les plus brefs délais.
Vous l'avez compris, le groupe du RDSE attend beaucoup des débats qui s'ouvrent, car c'est l'avenir de nos territoires, notamment les plus fragiles, qui est en jeu. Nous aborderons donc cette discussion avec la ferme volonté de faire de l'égalité des territoires une réalité. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)