M. Henri Cabanel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, défiance des citoyens, multiplication des agressions et violences, difficultés des élus locaux à conjuguer leur mandat et leurs activités professionnelles, lourdeur et complexité administratives, difficultés à recruter… Ce diagnostic a été établi dans le cadre de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France, qu'a présidée Mme Maryse Carrère, présidente du groupe RDSE, et dont M. Mathieu Darnaud a été le rapporteur.
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Dans ce rapport d'information du 5 juillet 2023 à l'intitulé sans ambages, Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires, on trouve le constat suivant : « La place du mandat municipal dans la vie civique locale semble connaître un reflux inquiétant. »
Je n'oublie pas non plus l'individualisme et les citoyens consommateurs de services publics, signes d'une véritable évolution des comportements, ainsi que le soulignent les élus de nos territoires.
Les chiffres illustrant ce phénomène ont fait la Une des journaux. Au 10 mai 2023, à mi-mandat, 1 078 maires, parmi tous ceux qui avaient été élus en 2020, avaient déjà démissionné, soit plus de 3 % de l'effectif total des maires en à peine trois ans. C'est un niveau de démission sans précédent.
Corrélé aux chiffres de l'abstention grandissante, ce constat nous oblige à agir : il faut coconstruire les bases d'un statut de l'élu qui redonne une éthique aux différents mandats et qui facilite l'engagement.
En effet, pour envisager un statut de l'élu, le seul prisme des droits ne permet pas de répondre à tous les enjeux. C'est la raison pour laquelle, en 2018, avec notre ancien collègue M. Joël Labbé, j'ai déposé une proposition de loi relative au statut de l'élu et visant à renforcer les droits et les devoirs des élus et la participation à la vie démocratique.
Aujourd'hui encore, j'ai déposé un amendement ayant pour objet de faire en sorte que toute personne se portant candidate détienne obligatoirement un casier judiciaire vierge. C'est le moins que l'on puisse demander : c'est déjà obligatoire pour nos collaborateurs et pour près de 400 professions. J'espère que nous n'entrerons pas une nouvelle fois dans des débats sur l'anticonstitutionnalité d'une telle mesure… Votons-le, le Conseil constitutionnel tranchera !
Tout me semble lié : l'état de délabrement de la confiance dans la politique – la dernière enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof) révèle un taux de défiance envers le Gouvernement et le Parlement de 70 % – crée un contexte agressif dont pâtissent les maires et les élus locaux, qui, dans ce même sondage, bénéficient pourtant de 60 % de confiance.
Le groupe RDSE a toujours eu à cœur d'avancer sur ce sujet. La plus récente initiative est la proposition de loi de Mme Nathalie Delattre visant à permettre aux assemblées d'élus et aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d'un mandat électif public victime d'agression, texte définitivement adopté le 18 janvier 2023.
Éric Gold a aussi signé deux propositions de loi : un texte instaurant une majoration de trimestres pour la retraite des élus de communes de moins de 3 500 habitants, déposé le 27 janvier 2023, et un texte visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public, déposé le 1er octobre 2019.
Par ailleurs, le statut de l'élu étudiant – préconisation de ma proposition de loi tendant à renforcer la culture citoyenne votée à l'unanimité du mois de novembre dernier – figure dans le texte examiné aujourd'hui. C'est pour moi une véritable satisfaction.
Ces dernières années, l'idée d'élaborer un statut de l'élu propre aux élus locaux est revenue comme un serpent de mer.
Rappelons que le concept de statut, en droit, vise l'ensemble des dispositions qui régissent à la fois l'entrée en fonction, l'exercice et les conditions de sortie du mandat.
Les élus locaux bénéficient déjà d'une forme de statut juridique, dans la mesure où l'ensemble des règles visées par le concept de statut existent déjà.
Les nombreuses propositions de loi reflètent bien le mal-être des élus locaux, mais surtout le fait que ce statut souffre d'un défaut : il ne rend pas compte de la spécificité de la fonction élective locale. Cette particularité serait de nature à déboucher sur la création d'un code de la fonction élective, par mimétisme avec le code de la fonction publique.
De ce point de vue, cette proposition de loi reste insuffisante. Il faut cependant remercier ses auteurs, Mme Françoise Gatel et ses collègues, qui font véritablement avancer le sujet. Loin de créer un authentique et innovant statut de l'élu local, elle offre plutôt une série de mesures qui améliorent les conditions d'exercice des mandats électifs locaux et complètent les autres textes.
Nous y retrouvons les cinq axes d'action incontournables : le régime indemnitaire, l'amélioration des conditions d'exercice du mandat, la facilitation de l'exercice d'une activité professionnelle, la sécurisation de l'exercice, enfin, la facilitation de la sortie du mandat.
Sur le fond, ces mesures sont attendues et nécessaires ; sur la forme, en revanche, la promesse d'un véritable statut n'est pas tout à fait tenue. D'autres véhicules législatifs devront demain constituer un véritable statut, qui sécurise réellement l'élu local.
Comme le dit une maire du département dont je suis élu, n'oublions jamais que les maires et les élus locaux sont de véritables amortisseurs sociaux. Sans eux, la marmite aurait, sans doute, déjà explosé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – M. Guy Benarroche applaudit également.)