M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme un bonheur n'arrive jamais seul, nous entamons cette rentrée budgétaire avec deux propositions de loi qui s'attellent à un sujet relativement technique : la modernisation du cadre des lois de finances.
Au risque de rappeler une évidence, c'est la raison d'être du Parlement depuis plus de deux cents ans que d'examiner le budget des pouvoirs publics et d'autoriser à la fois les prélèvements obligatoires et les dépenses des administrations.
L'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique [...] ».
Les lois de finances diffèrent des autres lois ordinaires à la fois par leur contenu, fait de nombreuses données chiffrées, et par leur procédure d'examen, qui obéit à des délais constitutionnels stricts, ainsi qu'à des règles de recevabilité financière et organique non moins contraignantes.
Les difficultés inhérentes à l'examen des lois de finances sont connues : lourdeur et complexité de la phase du projet de loi de finances initial à l'automne ; au contraire, pauvreté de l'examen du projet de loi de règlement et du débat d'orientation des finances publiques au début de l'été ; contrôle insuffisant de l'exécution.
Ainsi, la prévision initiale est toujours frappée d'incertitudes et il n'existe pas de budget dont l'exécution corresponde exactement à la loi initialement adoptée. L'enjeu est donc de voter des prévisions de recettes et de dépenses à la fois crédibles et sincères.
Une autre critique formulée depuis longtemps à l'encontre de la LOLF est l'échec à mettre en place une comptabilité d'État véritablement moderne et à instaurer une culture du résultat qui permette une amélioration de la qualité de la dépense publique.
Il faut se souvenir de l'ampleur du travail réalisé à l'époque de la rédaction de la LOLF. L'État s'était alors doté d'un cadre réellement nouveau pour ses finances, par rapport à l'ordonnance organique de 1959 – un cadre d'une grande complexité néanmoins, surtout comparé à celui de la gestion des finances locales, et qui n'a pas permis une amélioration de la situation des finances publiques.
Certes, les prérogatives du Parlement ont été renforcées : l'information budgétaire est relativement abondante – au point que l'on s'y perd parfois – et l'on examine et vote les crédits programme par programme, mission par mission, un niveau de détail qui n'existait pas avant 2005.
Toutefois, au-delà du cadre organique, nous aurons toujours les contraintes de recevabilité des amendements liées à l'article 40 de la Constitution et à l'application qui en est faite : les parlementaires ne peuvent pas compenser une charge publique et toute baisse de recette doit être compensée par une recette équivalente. C'est peut-être une sécurité pour les finances publiques, mais qui se paye par des marges de manœuvre très restreintes pour les parlementaires, souvent réduits à approuver ou rejeter le budget ou les amendements proposés par le Gouvernement, sans pouvoir, eux-mêmes, amender significativement ce budget.
Enfin, notre cadre budgétaire est aujourd'hui fortement influencé par les règles en vigueur au niveau européen : depuis le traité de Maastricht, l'adoption du pacte de stabilité et de croissance et, en 2012, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance – dont la création du Haut Conseil des finances publiques est une conséquence –, le Gouvernement doit transmettre à la Commission européenne des engagements budgétaires clairs et argumentés. Le temps n'est pas si loin où la France faisait encore l'objet d'une procédure de déficit excessif.
En résumé, sans représenter un big bang budgétaire, les deux textes que nous examinons apportent des améliorations et des clarifications utiles, ainsi qu'une occasion de débattre sur le fond des règles budgétaires.
Parmi les améliorations, je relève la doctrine d'emploi des ressources affectées, qui donne souvent lieu à des difficultés d'interprétation lors de l'examen des amendements au projet de loi de finances. Le Gouvernement inscrit également dans le marbre le principe de la loi rectificative de fin de gestion, pratique instaurée depuis le début de quinquennat.
On peut néanmoins regretter que la commission des finances ait supprimé certaines dispositions, comme la consécration de l'évaluation de l'impact environnemental des dépenses publiques, improprement appelée « budget vert ».
Pour ces différentes raisons, les membres du groupe du RDSE devraient voter majoritairement pour l'adoption de ces deux propositions de loi.