Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, grâce aux progrès de la médecine et à l’amélioration des conditions de vie, la France est confrontée à d’importants changements démographiques : ceux qui ont grandi pendant les Trente Glorieuses arrivent massivement à l’âge où beaucoup deviennent dépendants.
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Si l’espérance de vie progresse, cet âge correspond malheureusement trop souvent à des mois passés en mauvaise santé. Selon les estimations du rapport Libault, entre 2,7 et 3,7 millions de personnes deviendront dépendantes dans les années à venir.
Ce mur de la dépendance nous impose de mettre en place une véritable politique pour répondre aux défis du vieillissement de la population. Maintes fois promis et maintes fois reporté, ce chantier hante les gouvernements successifs depuis plus de vingt ans.
Grâce à l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, cette réforme devrait prendre la forme d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, la première, qui devrait être présentée avant la fin de l’année.
Certes, comme l’a rappelé le président du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ce n’est pas tout à fait la grande réforme que nous attendions. Mais cela s’en approche. Votre prédécesseur l’avait affirmé, madame la ministre, devant l’Assemblée nationale : « La loi de programmation que vous, parlementaires, avez demandée […] constitue une fondation essentielle. […] [L]’arbitrage a été rendu, l’engagement est pris ». Cependant vint la diète budgétaire imposée par Bercy…
Madame la ministre, vous nous avez quelque peu rassurés sur ce point. Nous sommes sensibles à la question du financement, qui reste prégnante et ne pourra éternellement être éludée.
Dans cette attente, la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter constitue une première étape. Elle comporte des mesures importantes, et les débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont permis de l’enrichir. Je remercie les deux rapporteurs ici présents de leurs travaux fructueux.
Nous saluons ainsi la création d’un service public départemental de l’autonomie (SPDA), qui permettra aux personnes âgées ou en situation de handicap et à leurs aidants d’avoir facilement accès à l’information et d’être efficacement orientées en fonction des besoins.
Dix-huit départements ont d’ores et déjà été sélectionnés pour l’expérimentation, en vue de la généralisation du dispositif en 2025. La version de compromis adoptée en commission mixte paritaire, qui autorise la définition de territoires de l’autonomie, renforce le rôle du département comme chef de file des politiques de soutien à l’autonomie, tout en tenant compte des spécificités de certains territoires. C’est une très bonne chose.
En matière de prévention de la perte d’autonomie, plusieurs mesures méritent d’être soulignées.
Nous saluons également le versement d’une aide financière annuelle aux départements pour soutenir les aides à la mobilité des intervenants à domicile. Cette aide est d’autant plus précieuse que les déplacements représentent une contrainte majeure, qui nuit à l’attractivité d’un métier pourtant essentiel.
Cette aide facilitera sans nul doute le recrutement et la fidélisation de ces intervenants et leur offrira une juste reconnaissance. Je citerai un exemple : le réseau Aide à domicile en milieu rural (ADMR) des Hautes-Pyrénées a récemment accordé quinze véhicules de fonction à ses salariés grâce au financement de l’État et du département.
Je souhaite dire un mot de la lutte contre la maltraitance des personnes âgées, qu’elle soit organisée, comme l’a révélé le scandale Orpea, ou institutionnelle, par manque de moyens et de personnel.
Comme l’a rappelé la Défenseure des droits, 281 réclamations ont été reçues entre mai 2021 et janvier 2023, confirmant, « le caractère systémique du problème de maltraitance au sein des Ehpad ». Nous saluons la mise en place d’une cellule de recueil et de traitement des alertes à l’échelon du département, ainsi que l’élargissement des compétences de la Conférence nationale de santé (CNS) à la question de la lutte contre la maltraitance.
Faisant écho au rapport intitulé Liens entravés, adieux interdits de novembre dernier, le texte consacre enfin un droit de visite pour les résidents en Ehpad, les personnes hospitalisées et les personnes en fin de vie, pour que les situations inhumaines qui ont eu lieu pendant l’épidémie de covid ne puissent plus jamais se reproduire.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE apportera son soutien à cette proposition de loi, conscient toutefois qu’elle n’est pas la grande loi tant attendue.
Nous attendons une loi qui assurera une meilleure collaboration entre tous les acteurs de la prise en charge de l’autonomie, une loi qui garantira une gouvernance claire et lisible pour l’usager, une loi qui assurera une source de financement fiable, juste et pérenne pour les conseils départementaux, une loi, enfin, qui permettra un accompagnement digne de nos personnes âgées, en anticipant les enjeux de l’augmentation importante de leur nombre d’ici à quelques années. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI. – Mme Annie Le Houerou, M. Daniel Chasseing et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Solanges Nadille, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
Mme Solanges Nadille. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis, en fin de navette parlementaire, pour achever l’examen d’un texte qui vise à répondre à un enjeu primordial pour l’avenir de notre pays et de nos aînés : la prise en charge du vieillissement de la population, tout en garantissant une vie de qualité et un cadre de vie décent pour tous.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi, et je souhaiterais tout d’abord rendre hommage aux députées de la majorité présidentielle qui en sont à l’origine : les rapporteures, Mmes Laurence Cristol et Annie Vidal, ainsi que Mme Astrid Panosyan-Bouvet, qui a coordonné l’écriture du texte.
Ce texte vise trois objectifs : tout d’abord, renforcer le pilotage de la politique de prévention de la perte d’autonomie et de la lutte contre l’isolement social ; ensuite, combattre les maltraitances des personnes en situation de vulnérabilité et garantir leurs droits fondamentaux ; enfin, garantir à chacun des conditions d’habitat dignes, ainsi que des prestations de qualité et accessibles, grâce à des professionnels accompagnés et soutenus dans leurs pratiques.
Je me réjouis que le compromis issu de la commission mixte paritaire préserve l’équilibre du texte que nous avions voté au Sénat.
Différents amendements du groupe RDPI adoptés ici ont été repris dans le texte issu de la commission mixte paritaire, comme sur le service public départemental de l’autonomie (SPDA) : face aux difficultés de pilotage des politiques de l’autonomie, ce service sera le lieu de la coordination et de la planification pluriannuelle des politiques de l’autonomie.
Je souhaiterais aussi rappeler mon amendement sur la prise en compte des spécificités des territoires ultramarins dans les aides à la mobilité, pour faire face aux difficultés de continuité territoriale et ainsi contribuer à redonner de l’attractivité au métier d’aide à domicile sur l’ensemble du territoire national.
Le texte issu de la commission mixte paritaire conserve par ailleurs le caractère inconditionnel du droit de recevoir de la visite en établissement, pour les personnes en fin de vie ou en soins palliatifs.
Nous nous réjouissons enfin des compromis trouvés sur la transformation des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) en services autonomie à domicile (SAD), sur la tarification de l’hébergement en Ehpad, ou encore sur la création d’un droit, pour les résidents en Ehpad, de voir leur animal domestique accueilli au sein des établissements.
Vous le voyez, mes chers collègues, cette proposition de loi comporte de nombreuses mesures qui vont dans le sens d’une meilleure prise en charge du vieillissement et d’une amélioration de la politique de l’autonomie. Ce texte n’est peut-être qu’une brique, mais celle-ci est utile dans nos efforts pour prendre en charge le vieillissement et garantir une vie de qualité à nos aînés, dans un cadre de vie décent. Nous voterons donc pour, sans hésitation.
Madame la ministre, avec cette proposition de loi, les parlementaires ont pris leurs responsabilités. Nous attendons maintenant que le Gouvernement fasse de même, en nous proposant une loi sur le grand âge qui soit ambitieuse. Malgré la situation budgétaire délicate, il faut se retrousser les manches et travailler à des solutions innovantes, par exemple sur le sujet de la gouvernance ou encore sur le financement de la politique de l’autonomie.
Nous devrons également continuer à agir pour redonner de l’attractivité au secteur, qui en manque cruellement depuis des années, et enfin continuer à être vigilants sur le contrôle des Ehpad, pour que les scandales récents ne se reproduisent plus. À ce titre, la mission de contrôle sur la situation des Ehpad, dont je suis corapporteure, rendra ses conclusions à la fin du semestre.
Enfin, madame la ministre, comment conclure sans dire un mot sur l’outre-mer ? Face à un vieillissement de la population encore plus fort et à un parc des Ehpad très vieillissant, il nous faudra des réponses rapides pour que le bien-vieillir soit une réalité partout, dans l’Hexagone comme en outre-mer. Le groupe RDPI, composé pour moitié de sénateurs ultramarins, y veillera. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)