Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente et rapporteur de la commission de la culture, messieurs le président et le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, le 26 septembre dernier, sénateurs et députés réunis en commission mixte paritaire ont fait le constat d'un différend irréconciliable sur les textes relatifs à la lutte contre la manipulation de l'information.
En nouvelle lecture, le 9 octobre, la chambre basse a apporté des modifications fort peu significatives à ses travaux initiaux. Aucun des écueils mis en lumière par la Haute Assemblée en première lecture n'a fait l'objet d'un réexamen approfondi.
Les observations que nous avions formulées s'inscrivaient pourtant dans une démarche réellement constructive. Il n'y avait et il n'y a toujours de notre part aucune forme d'obstruction politique à la démarche engagée par la majorité gouvernementale.
Personne ne nie l'importance de préserver le débat public des fausses informations. Nous sommes convaincus qu'elles appellent de notre part une réflexion approfondie. Le Sénat s'emploie d'ailleurs en ce sens. Ainsi, des sénateurs de tous les groupes se sont associés, sur l'initiative de Mme la présidente Morin-Desailly, pour déposer une proposition de résolution européenne sur la responsabilisation partielle des hébergeurs. Cela illustre le consensus qui existe parmi nous sur ce sujet, comme sur l'analyse que nous voulons en faire. Nous sommes toutes et tous convaincus de la nécessité d'agir.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé à l'Assemblée nationale, nous n'estimons pas nécessairement que, « en matière de lutte contre les fausses informations, notre arsenal juridique est suffisant », ni qu'aucune évolution des textes existants n'est souhaitable. Nous ne jugeons pas non plus préférable « de laisser aux seules plateformes le soin de réguler l'information ». Enfin, nous ne considérons pas que « l'éducation aux médias, en particulier pour les plus jeunes, n'est pas un enjeu central et primordial du combat que nous voulons mener ».
La réalité est tout autre : nous ne nous retrouvons pas dans les propositions qui nous sont faites par nos collègues députés membres de la majorité. À la vérité, les fondements mêmes de ce texte ne conviennent pas. En effet, l'objectif n'est pas correctement servi par les dispositions législatives envisagées, qui pourraient même, in fine, se révéler pernicieuses.
Ainsi, le juge des référés ne peut être en mesure d'apprécier sous quarante-huit heures, d'une part, si des informations sont effectivement fausses, et, d'autre part, si elles ont été diffusées de manière artificielle ou automatisée. S'il y a flagrance, son action sera en quelque sorte inutile. En l'absence de flagrance, si le juge, par prudence, décide de ne pas se prononcer, il légitimera d'une certaine façon l'information diffusée.
En outre, les nouvelles responsabilités dévolues au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, nous paraissent bien disproportionnées par rapport à son rôle actuel et aux moyens qui lui sont octroyés.
Quant aux dispositions relatives à la formation au numérique et aux médias, notamment des plus jeunes, elles sont souhaitées et souhaitables, mais force est de constater que celles qui ont déjà été introduites par le Sénat en 2011 n'ont toujours pas trouvé de cadre d'action global.
Les sénateurs du groupe du RDSE se félicitent tout de même de l'annonce – même si elle ne s'inscrit pas dans le cadre législatif dont nous débattons cet après-midi – du lancement d'une mission confiée à l'ancien président de l'Agence France Presse et visant à créer une autorité de déontologie de la presse. En effet, l'un des remparts les plus efficaces contre la désinformation et la manipulation de l'information demeure les médias et ceux qui les animent, les journalistes.
Pour l'avenir, employons-nous à travailler en harmonie avec l'Union européenne. C'est à ce niveau que, dans un souci d'efficacité et de respect des libertés fondamentales, le combat est à mener. Pourquoi créer une procédure spécifique à l'échelle nationale, alors que, même si l'on peut estimer qu'ils évoluent encore trop lentement, les travaux européens sur le sujet avancent et tendent à établir une régulation plus générale ?
Comme en première lecture, le RDSE s'abstiendra sur les deux motions présentées, l'une, par la commission de la culture et, l'autre, par la commission des lois. Notre abstention vise à rappeler que, si notre groupe, avant tout favorable au débat, ne s'associe habituellement pas aux motions de procédure, il est pleinement conscient que, pour reprendre les mots du président Bas, ces deux textes ne sont pas « améliorables ». (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau et M. Claude Kern applaudissent également.)