Comme l'a souligné mon collègue héraultais Patrick Vignal, auteur du texte que nous examinons aujourd'hui, dont je salue d'ailleurs la présence dans nos tribunes : « Cette loi, c'est du bon sens ! » Elle répond non pas à un besoin théorique ou rhétorique, mais bien à une demande réelle des Français, qui ont des raisons personnelles pour cela.
La question est de tout premier ordre, car elle concerne les enjeux de construction identitaire et d'équilibre psychologique. Dans les faits, huit enfants sur dix portent encore le seul nom du père. Très souvent, cela ne pose pas de difficulté et relève du choix assumé de s'accorder avec une pratique traditionnelle dont les familles n'entendent pas se départir.
Il existe cependant des situations dans lesquelles cette pratique crée des difficultés. Le texte initial voulait y répondre. Il était question de permettre à chacun, une fois dans sa vie, de demander à prendre ou à ajouter le nom de son autre parent, par une simple démarche en mairie.
Il est important de préciser que la procédure simplifiée proposée ne permet pas de céder aux fantaisies, car tout ne sera pas permis. Elle rétablit simplement l'équilibre dans le cadre familial.
La commission des lois du Sénat a intégré de fortes modifications au texte. À l'article 1er, il a été décidé de refuser la faculté de substituer le nom d'un parent à celui d'un autre au titre de nom d'usage de l'enfant et de rétablir le consentement préalable de l'autre parent pour procéder à une adjonction de nom, tout en précisant le rôle du juge aux affaires familiales.
S'agissant du nom de famille, il a été décidé de supprimer la procédure simplifiée auprès des officiers de l'état civil, permettant à chaque majeur, une fois dans sa vie, de choisir parmi les noms de ses parents celui qui lui convient, sans avoir à le justifier.
Je regrette ces modifications, qui ne permettent pas, à mon sens, de simplifier la procédure et qui dénaturent complètement les enjeux du texte. « L'article 1er ne prend rien à personne », souligne Patrick Vignal, et il a raison : faisons confiance aux citoyens et nous retrouverons la leur.
Sur un point idéologique, la limitation du changement de nom à une unique occurrence préserve le caractère solennel d'une telle demande.
En outre, il nous faut prendre la mesure de ce que la majorité légale signifie : un élément de liberté et de responsabilité. À partir de cette étape, beaucoup de choix décisifs sont faits. Il convient, dès lors, en vertu tant de la liberté que de la responsabilité, de laisser chaque personne décider de son nom de famille. Cessons d'infantiliser les citoyens !
Enfin, il ne s'agit nullement d'éliminer le rôle du père, les noms pouvant être adjoints. Nous n'avons de cesse de réfléchir aux moyens de mieux sensibiliser les Français aux enjeux de la citoyenneté. En choisissant de ne plus les brider dans leurs choix les plus personnels, c'est-à-dire la construction de leur identité, nous optimiserons nos chances d'agir efficacement sur l'envie de chacun d'eux de dessiner plus globalement, au travers de l'exercice de la citoyenneté, l'identité nationale.
Aussi, n'oublions pas que ce texte résulte de l'écoute du terrain. Il vient de la société et de demandes concrètes de familles parfois en grande souffrance.
Le collectif Porte mon nom a notamment lancé une pétition qui a obtenu plusieurs dizaines de milliers de signatures et qui reçoit plusieurs dizaines de témoignages au quotidien. Les généalogistes, les responsables d'associations et collectifs concernés par cet enjeu, comme l'association SOS Papa, ont également apporté leur expertise.
Vous l'avez compris, l'ambition de la proposition de loi initiale ayant été malheureusement contournée en commission des lois, le RDSE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.)