M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Stéphane Artano. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2010, les tarifs des complémentaires de santé augmentent de manière substantielle, et les frais de gestion représentent une part très importante des cotisations payées par les assurés.
Forts de ce constat, les auteurs de cette proposition de loi ont souhaité assouplir le droit de résiliation et permettre aux assurés de bénéficier d'une concurrence accrue. C'est de ce texte que nous sommes invités à débattre cet après-midi, et l'exercice – il faut le reconnaître – est cocasse : le 10 avril dernier, notre commission a rejeté le dispositif central de la proposition de loi et la quasi-totalité des autres articles adoptés par l'Assemblée nationale.
À l'évidence, cette proposition de loi suscite nombre d'interrogations et d'inquiétudes sans répondre à une quelconque logique partisane. Le RDSE est d'ailleurs divisé sur cette question – il n'est pas le seul groupe politique du Sénat placé dans cette situation,…
M. Michel Amiel, rapporteur. Vous faites des émules ! (Sourires.)
M. Stéphane Artano. … ce qui me rassure quelque peu. En commission, nous avons assisté à certaines cabrioles sénatoriales ; l'exercice a été accompli. Il n'y a plus qu'à labelliser le terme ! (Nouveaux sourires.)
Au total, et pour l'essentiel, cette proposition de loi se résume actuellement à deux mesures : la communication aux assurés du taux de redistribution des contrats et une disposition introduite en commission des affaires sociales, sur l'initiative de notre collègue Daniel Chasseing, visant à proscrire les pratiques de remboursement différencié.
Notre groupe salue l'adoption de cette mesure.
L'accès de tous les Français à des soins de qualité doit en effet être une priorité absolue. Permettre aux mutuelles d'opérer une différenciation dans le remboursement des prestations bouleverse les principes fondamentaux de notre modèle de santé, fondé sur la solidarité, la liberté et l'égalité dans la qualité de prise en charge. Le remboursement différencié remet en cause le principe « à cotisations égales, prestations égales », porte atteinte à la liberté de choix et de prescription et, enfin, accentue les inégalités territoriales.
Pour en revenir au dispositif central du texte, dont nous aurons à débattre à l'occasion de l'examen des amendements, j'entends les griefs avancés, notamment, par les fédérations des complémentaires santé, lesquelles dénoncent « une fausse bonne idée qui aura un impact négatif pour les assurés » et sera « porteuse de risques majeurs ». Nous avons été abreuvés de mails abondants nous alertant à ce sujet. Le risque me semble pourtant permis, pourvu qu'il soit objectivé.
Les conséquences de cette mesure ne me paraissent pas devoir être surestimées. Comme l'a rappelé notre rapporteur en commission, il serait exagéré de penser que tous les particuliers et toutes les entreprises vont se saisir de cette nouvelle faculté. Il suffit d'observer les effets de la loi Hamon sur le secteur des assurances automobile et habitation pour s'en convaincre : celle-ci n'a conduit qu'à une légère hausse, de moins d'un point, du taux de résiliation, lequel s'est stabilisé par la suite.
Gardons à l'esprit que ce texte n'offre qu'une souplesse dans l'exercice d'un droit qui existe déjà. Comme l'a rappelé le rapporteur de l'Assemblée nationale, « il s'agit d'une évolution et non d'une révolution ».
L'objectif de ce texte est simple : faciliter la vie des assurés en leur apportant davantage de liberté et rééquilibrer le rapport de force en leur faveur. C'est la raison pour laquelle, avec plusieurs sénateurs du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, nous avions déposé un amendement au projet de loi Pacte visant à introduire un peu plus de concurrence, dans un contexte d'inflation des tarifs des complémentaires santé.
Les chiffres communiqués par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la Drees, sont en effet édifiants : entre 2008 et 2017, les frais de gestion des complémentaires santé ont augmenté en moyenne de 4,2 % par an, soit deux fois plus vite que les dépenses de santé, pour atteindre 7,3 milliards d'euros. Cela représente 21 % du coût des cotisations, alors que le budget santé devient insupportable pour la plupart des ménages.
La cotisation moyenne à une complémentaire santé s'élevait ainsi en 2017 à quelque 688 euros par an, soit une progression trois fois plus rapide que l'inflation dans la dernière décennie. Cette situation n'est pas acceptable ! Aujourd'hui encore, bon nombre de Français sont contraints de se priver de soins en raison d'un reste à charge trop élevé, parce que leur couverture santé est souvent insuffisante. Les élus de la République ne peuvent y être indifférents.
Je me félicite, enfin, que ce texte offre également l'occasion de simplifier les informations transmises aux assurés concernant le montant des frais de gestion, des prestations versées et des cotisations afférentes. Cette mesure, demandée à plusieurs reprises par des associations de défense des consommateurs, poursuit un objectif de transparence qui sera, j'en suis convaincu, bénéfique à l'ensemble des assurés.
Pour conclure, vous l'aurez compris, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen est divisé sur ce texte, et chacun de ses membres déterminera son vote en fonction du sort qui sera réservé aux amendements déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Michel Canevet applaudit également.)